La Croix a interviewé Frédéric Dardel, professeur de biologie à la Faculté de pharmacie de Paris et conseiller auprès du directeur général du CNRS, sur la question du brevetage du vivant. Il rappelle qu’aux Etats-Unis, beaucoup de brevets sont déposés pour protéger des gènes ou des morceaux du génome mais que plusieurs ne respectent pas les trois critères que sont : la nouveauté, la non-évidence et l’utilité, imposés par l’Office européen des brevets (OEB) de Munich.
Si le brevet protège la séquence d’un gène en tant qu’élément nécessaire pour un procédé biotechnologique, il n’interdit pas d’employer la même séquence dans un autre but.Par conséquent la plupart des brevets déposés sur le vivant sont fragiles et susceptibles d’être contestés et invalidés par un autre chercheur ou un autre industriel.
Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen et président du conseil scientifique du CRII-Gen estime lui que la mainmise sur les brevets des gènes est un frein à la recherche sur le génome humain. En effet, de par ces brevets, les généticiens n’ont pas accès aux données et il s’ensuit une impossibilité d’accéder aux médicaments pour une grande part de la population mondiale.
Ces brevets font aussi courir un risque pour l’alimentation dans le monde. En effet, les leaders mondiaux en pharmacie et en produits phytosanitaires ont commencé à déposer des brevets sur des plantes OGM.
Gilles-Eric Séralini estime qu’à la place des brevets, il faudrait imaginer un système de droits d’auteur qui ne soit pas un frein à la recherche ou le développement industriel. "La défense des génomes en tant que patrimoine mondial, est un enjeu majeur pour l’humanité, car avant de se soigner tout homme doit pouvoir manger", conclut-il.
La Croix (Denis Sergent) 21/10/08