Certains patients souffrant de lésions cérébrales peuvent sembler être dans le coma, alors que ce n’est pas le cas. Ils assimilent « au moins une partie de ce qui se passe autour d’eux, mais ne peuvent pas y répondre physiquement ». C’est ce qu’a révélé une étude réalisée par des chercheurs de la Weill Cornell Medicine de New York et publiée dans le journal Brain[1].
La dissociation cognitivo-motrice
Cette « rupture entre la compréhension et la réponse » est appelée dissociation cognitivo-motrice (DCM), un trouble de la conscience consécutif à une lésion cérébrale.
Environ 15 % des patients considérés comme ne réagissant pas sont susceptibles de souffrir de DCM, mais la plupart d’entre eux ne sont pas diagnostiqués, car cela nécessitait jusqu’à présent un équipement et une formation de pointe.
Simplifier le diagnostic
Jan Claassen, directeur du service de neurologie des soins intensifs de l’université Columbia et de l’hôpital New York-Presbyterian, a dirigé la récente étude destinée à simplifier le diagnostic de la DCM en incorporant des équipements déjà disponibles dans la plupart des hôpitaux.
Les chercheurs ont utilisé l’imagerie par résonance magnétique (IRM) structurelle pour identifier les schémas de lésions cérébrales spécifiques aux patients souffrant de DCM. Ces IRM pourraient servir d’outil de dépistage pour identifier les patients susceptibles d’être atteints de DCM, ce qui « réduirait le risque d’interruption prématurée des thérapies de maintien des fonctions vitales ».
Ils ont tout d’abord utilisé l’approche actuelle de l’électroencéphalogramme (EEG) fonctionnel pour identifier avec certitude 21 patients atteints de DCM au sein d’un groupe de 107 patients souffrant de lésions cérébrales. Ils ont ensuite comparé les données de l’EEG et de l’IRM structurelle entre les deux groupes et ont pu identifier deux types de lésions cérébrales uniquement observées chez les patients atteints de DCM. « Ces lésions se trouvaient, sans surprise, dans des zones du cerveau importantes pour la motricité, mais pas dans des régions importantes pour la compréhension des ordres ou l’éveil, ce qui indique que les patients atteints de DCM seraient capables de traiter des informations, mais incapables de réagir physiquement ».
Vers une meilleure prise en charge ?
Jan Claassen entend désormais reproduire et affiner ces résultats sur un groupe plus important de patients.
Le fait de savoir quels patients sont atteints de DMC pourrait en outre conduire à des essais cliniques spécifiques à la DCM afin d’évaluer l’efficacité de différentes techniques de stimulation cérébrale ou de certaines thérapies, a déclaré Jose Suarez, directeur de la division des soins neurocritiques à l’université Johns Hopkins.
En outre, le Dr Claassen pense que les patients atteints de DCM pourraient un jour être en mesure d’utiliser des technologies telles que les interfaces cerveau-ordinateur « pour établir un pont de communication ».
Traiter les patients autrement
Aidan Galaska a subi une grave lésion cérébrale dans un accident de voiture en 2013, à l’âge de 9 ans. Sa mère, Laura, témoigne de médecins qui « ont traité son fils non seulement comme s’il était inconscient, mais aussi comme un sous-homme ».
Une attitude que dénonce Jan Claassen. « Lorsque vous êtes au chevet, dans la chambre, d’un patient qui ne réagit apparemment pas, supposez qu’il est en fait conscient », recommande-t-il aux médecins qu’il forme. « Lorsque vous rencontrez une famille au chevet d’un patient, intégrez le patient même s’il ne peut pas prendre part à la discussion ».
[1] Eva Franzova, Qi Shen, Kevin Doyle, Justine M Chen, Jennifer Egbebike, Athina Vrosgou, Jerina C Carmona, Lauren Grobois, Gregory A Heinonen, Angela Velazquez, Ian Jerome Gonzales, Satoshi Egawa, Sachin Agarwal, David Roh, Soojin Park, E Sander Connolly, Jan Claassen, Injury patterns associated with cognitive motor dissociation, Brain, 2023, https://doi.org/10.1093/brain/awad197
Source : The Washington Post, Sam Jones (12/10/2023)