Crispr-Cas 9 suscite des inquiétudes au sein de la communauté scientifique. Même si de très nombreuses équipes travaillent à l’amélioration de cet outil, « il est loin d’être arrivé à maturité », et des modifications non voulues peuvent subvenir « sans qu’on en ait la maîtrise ».
A l’occasion d’un colloque intitulé « Personne humaine et génome » qui se tenait le 4 mars dernier à Paris, Alexandra HENRION-CAUDE, Catherine BOURGAIN et Alain PRIVAT[1] lancent « un SOS à nos consciences ».
Pour les auteurs de la tribune, « appliquer l’outil Crispr-Cas 9 à des embryons humains issus de parents porteurs de mutation [revient] à éliminer leurs embryons sains et, paradoxalement, à ne conserver que ceux porteurs de la mutation sur laquelle la technique serait mise au point ». Ils ajoutent : « A souhaiter des enfants parfaits, exempts de mutations génétiques choisies, nous jouons en fait le jeu des promoteurs de l’eugénisme ».
Les trois scientifiques s’interrogent, « si nous pouvons ‘réparer’ les imperfections génétiques, allons-nous privilégier le recours aux modes de procréation médicalement assistée jusqu’à en faire une routine ? » « C’est l’intimité même de notre humanité qui est menacée puisqu’il s’agit du génome du genre humain (…) Il est de notre responsabilité commune d’éviter que le désir de connaître la nature du vivant et d’en dévoiler ses secrets ne se transforme en volonté de créer des variétés humaines sélectionnées. Certains voient dans ces hommes génétiquement modifier une évolution vers l’homme du futur. Nous y voyons la mise en place d’un programme d’anéantissement de l’homme dans son altérité, notamment par déni de notre complexité et de notre histoire génétique ».
[1] Respectivement généticienne, directrice de recherche à l’Inserm ; généticienne, chargée de recherche à l’Inserm ; neurobiologiste, membre correspondant de l’Académie de médecine.
Le Figaro (31/03/2017)