Cellules souches : le point sur les thérapies

Publié le 3 Nov, 2006

Le magazine Science et Vie de novembre 2006 consacre un dossier aux cellules souches, ces cellules dont la découverte apparaît comme un “véritable big bang biologique".

Le dossier explique d’abord le principe de la différenciation cellulaire et comment les cellules souches "sont la clé de toutes les autres cellules". D’une part, les cellules souches embryonnaires, présentes chez l’embryon au stade blastocyste (5 à 6 jours de développement), sont capables de se régénérer en n’importe quel tissu. D’autre part, les cellules souches adultes, présentes chez l’adulte, sont capables d’engendrer plusieurs types de cellules différenciées.

Le dossier traite ensuite des espoirs thérapeutiques nés de la capacité de régénération de ces cellules. On parle désormais de médecine régénératrice. « Le matériel mis à disposition des malades se limite aux seules cellules souches adultes » explique la journaliste car d’une part, elles sont plus simples d’accès et d’autre part leur utilisation ne pose aucun problème éthique. Elle décrit les plus grands succès thérapeutiques par cellules souches adultes. Les thérapies par cellules souches embryonnaires sont pour le moment au simple stade expérimental.
Le Pr Radovan Borojevic, université fédérale de Rio de Janeiro, a réussi dès 2001 à partir de cellules souches adultes à régénérer les tissus cardiaques défaillant chez des patients souffrant de graves insuffisances cardiaques.
Depuis 1985, le Pr Geoffrey Raisman (Institut de neurologie de l’University College de Londres) a identifié les capacités régénératrices des cellules gliales engainantes qui tapissent la muqueuse olfactive. Depuis 2000, plusieurs équipes ont réalisé des autogreffes d’une niche de cellules gliales engainantes chez des patients paralysés. Le premier essai clinique devrait se tenir en 2007.
Pour réparer une cornée endommagée, les Prs Michele de Luca et Graziella Pellegrini (Instituto Dermopatice dell’Immacolata, San Raffaele Hospital, Italie) ont cultivé des cellules souches adultes limbiques issues de l’œil sain du patient pour qu’elles se différencient en cellules de la cornée. Puis les cellules ont été greffées chez le patient mal voyant qui, quelque mois plus tard, a retrouvé la vue. Au Japon, le Pr Kinoshita a utilisé pour reconstituer la cornée de deux patients des cellules souches prélevées à l’intérieur de leur bouche.
Le Pr Jacques Tremblay (centre hospitalier universitaire de Laval, Canada) mène un essai de thérapie cellulaire chez des patients atteints de la maladie de Duchenne. Prélevées chez des donneurs sains puis mises en cultures pour être multipliées, les myoblastes (cellules souches adultes musculaires immatures) sont ensuite greffées chez le patient.
Dans le domaine des cellules fœtales, le Pr Marc Peschanski expérimente depuis plusieurs années les greffes de cellules souches issues de fœtus avortés chez des patients atteints par la maladie de Huntington. Les premiers résultats sont attendus pour 2008. Dans le domaine des cellules souches embryonnaires, les Prs Anders Bjorklund (université des cellules souches de Lund, Suède) et Anselme Perrier (Institut des cellules souches, Evry) travaillent à créer des stocks de cellules souches embryonnaires transformées in vitro en neuroblastes. Ces cellules pourraient ainsi être greffées à tout moment mais les essais sur les patients ne seraient menés qu’une fois tous les risques écartés (rejet, cancer).

L‘enjeu de la recherche sur les cellules souches embryonnaires est maintenant de tester sur l’homme leur capacité de régénération. Les effets secondaires liés à la greffe de telles cellules semblent maintenant être mieux maîtrisés. James Thomson (Université du Wisconsin) associé à la société de biotechnologie Geron, qui a isolé les premières cellules souches dans l’embryon humain en 1998, aurait d’ici 2007 l’autorisation de la FDA (agence de sécurité sanitaire américaine) pour conduire des essais chez des patients paraplégiques. Leur moelle épinière recevrait des implants de cellules neurales obtenues à partir de cellules souches embryonnaires. 
En France, des travaux sont menés à l’Institut de cellules souches à Ivry (Généthon) pour obtenir à partir de cellules souches embryonnaires humaines des lignées de cellules souches encore non différenciées qui pourrait se transformer en cellules musculaires cardiaques (Prs Michel Pucéat et Philippe Ménasché). Les essais sur les rongeurs ont été un succès. Un dossier d’autorisation pour un premier essai clinique est en cours.

Enfin la troisième partie du dossier est consacrée aux enjeux financiers que représentent les cellules souches. Grégory Katz-Bénichou, professeur à l’Essec, indique : "on estime que le marché des cellules souches pourrait s’élever à 15 milliards de dollars. Ces estimations reposent sur les possibles traitements à venir pour les maladies qui ont une très forte prévalence". Philippe Pouletty, président de France Biotech, estime que ce marché représentera "entre 5 et 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020 ou 2030". Cette recherche sur les cellules souches implique des vrais choix de société. L’utilisation des cellules souches de l’embryon impliquant la destruction de celui-ci, une partie de la population y est opposée. Soit on considère l’embryon comme du "matériel biologique", soit on le reconnaît comme un être humain dès la fécondation des gamètes et par conséquent ne pouvant faire l’objet d’aucune manipulation. D’autres considèrent l’embryon comme une personne tant qu’il s’inscrit dans "un projet parental" : dès que les parents décident que l’embryon ne sera pas réimplanté dans l’utérus maternel, il devient disponible à la recherche ou détruit.

Science et Vie (Philippe Chambon, Caroline Tourbe, Clara Dufour) novembre 2006

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