Un an après la dépénalisation du suicide assisté en Autriche (cf. Autriche : le Parlement légalise suicide assisté), les données recueillies par la plateforme ASCIRS permettent de dresser un premier bilan.
Cette plateforme recueille, en ligne et de manière anonyme, les données auprès des proches, des soignants ou des psychologues au contact des personnes qui ont demandé l’assistance au suicide.
En 2022, 83 rapports ont été reçus. 59 concernaient des demandes d’assistance au suicide, 23 des suicides assistés ayant « abouti ».
Les patients étaient âgés de 43 à 97 ans. 67% des rapports concernaient des femmes. Selon la société autrichienne de soins palliatifs, cela pourrait s’expliquer par le fait que plus de femmes sont veuves et souffrent de solitude, mais aussi d’un risque plus élevé de pauvreté.
Les souffrances, la raison des demandes d’assistance au suicide
La loi autorise l’assistance au suicide aux patients atteints de maladie mortelle incurable ou « grave et permanente avec des symptômes persistants dont les conséquences affectent durablement la personne concernée tout au long de sa vie ». Le plus souvent, « les souffrances vécues ou redoutées » sont la raison des demandes d’assistance au suicide. Viennent ensuite les symptômes physiques liés à la maladie et devenus « insupportables ». Pour les suicides assistés qui ont été « accomplis », « des symptômes physiques insupportables ont même été un facteur essentiel de la décision dans plus de trois quarts des cas » précise la société autrichienne de soins palliatifs.
La loi autrichienne prévoit que le suicide assisté ait lieu dans un « cadre privé », avec l’assistance d’une personne qui n’est pas nécessairement un soignant. La plupart du temps, le patient s’administre lui-même la substance mortelle avec l’aide d’un proche. Plus rarement (6 cas sur 23 en 2022) un soignant peut être présent.
Les services de soins palliatifs ne peuvent plus travailler correctement
Les soignants sont en revanche désormais amenés à devoir informer les patients de la possibilité d’un suicide assisté, à leur expliquer la façon d’y avoir recours. Cette nouvelle obligation répond à « une préoccupation dont ils ne se sentent pas du tout responsables » et crée un « conflit de valeurs » pour les professionnels de santé (cf. Ne dévoyons pas les soins palliatifs).
La loi a des répercussions sur les services de soins palliatifs qui ne peuvent plus travailler correctement. Le Dr. Dietmar Weixler, président de la société autrichienne de soins palliatifs indique ainsi que les établissements ne peuvent plus prodiguer les « services demandés en termes de soins complets et de soutien aux personnes atteintes de maladies graves » faute de ressources, mais aussi de temps. Il ajoute que cette « loi problématique » crée une contradiction dans le rôle des soignants qui doivent à la fois renseigner sur les modalités du suicide assisté et prévenir ces mêmes demandes en soulageant de leurs souffrances physiques et existentielles les patients en fin de vie.
Source : Institut européen de bioéthique, Suicide assisté en Autriche : un an après la dépénalisation, le bilan critique de la Société de soins palliatifs (24/02/2023)