AMP : une surmédicalisation de l’infertilité ?

Publié le 30 Juin, 2010

Le quotidien Libération revient sur l’assistance médicale à la procréation (AMP), en plein essor en France et susceptible de se développer dans les années à venir. Chaque année, 30 000 couples s’adressent à un centre d’AMP en France. Un couple sur sept consulte un médecin au moins une fois en raison de difficulté à concevoir et un sur dix-huit reçoit un traitement pour remédier à l’infertilité.

Selon l’Ined, on comptait 200 000 enfants conçus par fécondations in vitro en 2008. Une naissance sur vingt résultait d’une aide médicale en 2003. Aujourd’hui, "si l’on considère une classe de maternelle […] un à deux enfants ont été conçus grâce à la médecine. Avec un recours plus fréquent à la fécondation in vitro et de meilleurs taux de succès, ces chiffres vont continuer à croître". Chargée de recenser les activités de l’AMP depuis 2004, l’Agence de la biomédecine (ABM) manque encore d’informations. Aussi met-elle en place un registre national qui comprendra le profil des couples et sera rempli dans chaque centre. Mais toutes les informations ne seront pas accessibles admet Françoise Merlet de l’ABM, car "un certain nombre de Français se rendent à l’étranger. Ils vont chercher ce que la loi interdit ici". Certaines cliniques espagnoles accueilleraient chaque année des milliers de Françaises pour un don d’ovocyte. Selon l’Ined, les chiffres officiels de ces départs à l’étranger seraient sous-estimés.

Une autre raison d’un recours accru à l’AMP est une plus grande impatience des couples qui "se décident plus rapidement à pousser la porte du médecin quand le bébé qu’ils espèrent ne vient pas". Deux études menées dans les Côtes-d’Armor et la Manche le confirment. Seules 20% des femmes nées en 1943 déclaraient des problèmes d’infertilité; la proportion est de 40% pour les générations nées en 1954 et après. A l’Ined*, "on s’interroge désormais sur une possible surmédicalisation de l’infertilité : les couples n’auraient-ils pas tendance à être un peu trop impatients et à demander, trop rapidement, une intervention médicale ?"

Le Pr. François Olivennes, gynécologue obstétricien constate que les femmes donnent naissance de plus en plus tard. Environ 30 000 naissances, assistées ou non, interviennent en effet chez des femmes de plus de 40 ans, soit 4 fois plus qu’en 1980. "Les exploits médicaux de certains confrères, et surtout leur médiatisation", ainsi que la multiplication actuelle de vedettes accouchant après 40 ans, entraîne une véritable méprise, explique le Pr. Olivennes qui tire la sonnette d’alarme dans un livre intitulé "N’attendez pas trop longtemps pour avoir un enfant" **.

La psychologue et psychanalyste Monique Jaoul, travaillant à l’unité d’AMP de l’hôpital de Poissy-Saint-Germain, constate la "foi inébranlable en la médecine" des couples qu’elle reçoit : "L’idéalisation du monde médical peut servir à cacher des blessures profondes. Cela leur sert de défense. […] Les couples n’entendent pas forcément les rappels à la réalité".  Cela vient de ce que "le parcours est difficile et qu’ils ont besoin d’y croire" affirme Elise de La Rochebrochard, chercheuse en épidémiologie de la reproduction humaine à l’Ined. Elle constate que les femmes actives au niveau socio-économique élevé se réorientent plus facilement vers l’adoption en cas d’échecs, la pression sociale pour être mère étant moins impérieuse pour elles.

* De la pilule au bébé-éprouvette, sous la direction d’Elise de La Rochebrochard, Ed. Les cahiers de l’Ined, 2008
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N’attendez pas trop longtemps pour avoir un enfant, François Olivennes, Ed. Odile Jacob, 2008

Libération (Charlotte Rotman) 30/06/10

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