« Aide médicale à mourir » au Canada : des experts dénoncent des recommandations idéologiques

10 Mar, 2023

Après la publication du rapport Medical Assistance in Dying in Canada: Choices for Canadians par la Commission spéciale dédiée au sujet (cf. Canada : un rapport préconise l’élargissement de l’AMM aux mineurs), des experts qui ont été auditionnés publient un rapport pour dénoncer son manque de rigueur. Leur constat est sans appel : « Nous, soussignés, parlant chacun selon sa propre expertise, qui avons témoigné devant la Commission spéciale dédiée à l’aide médicale à mourir, rejetons ce rapport qui interprète mal, représente mal, minimise et ne tient pas compte de la réalité. »

Pour les signataires du rapport, les 23 recommandations ne parviennent pas à fournir les « garanties nécessaires » afin de prévenir les dommages et les « décès injustifiés ». Au contraire, « elles exposent de plus larges segments de la population canadienne à des préjudices potentiels au lieu de les aider à vivre bien et à s’épanouir ».

Soins palliatifs

Le premier thème adressé par les experts est celui des soins palliatifs. Ils déplorent que le rapport de la Commission ne formule « aucune recommandation significative » pour améliorer leur accès et leur qualité. « Cela démontre la profonde incompréhension de la Commission à l’égard des soins palliatifs et le mépris des recommandations formulées par les experts », jugent-ils.

En effet, au Canada, 21% des personnes qui ont recours à l’« aide médicale à mourir » (AMM) pour une maladie en phase terminale ont été « en contact avec des soins palliatifs » seulement au cours des deux dernières semaines qui ont précédé l’AMM. Pour la plupart des patients, la découverte des soins palliatifs a eu lieu après la demande d’euthanasie. Or l’absence de soins palliatifs précoces doit être considérée comme « une erreur médicale », estiment les signataires.

Handicap

Fait révélateur : « un médecin sans expertise spécifique sur le handicap est cité pour alléguer l’absence d’impact négatif des lois en matière d’”aide médicale à mourir” sur les personnes handicapées ». Le rapport de la Commission a « ignoré, diminué et déformé les déclarations des témoins handicapés », affirment les experts.

L’euthanasie pour les personnes handicapées est « discriminatoire » « quel que soit le nombre d’euphémismes utilisés pour masquer la réalité », tranchent-ils. Et le lexique de l’équité, la diversité et l’inclusion est accaparé de façon « perverse ». Car l’« aide médicale à mourir » « transforme une classe protégée de citoyens en un groupe ciblé pour l’euthanasie ».

Troubles mentaux comme unique motif d’euthanasie

Les recommandations de la Commission « mettent en danger » les Canadiens qui se rétablissent d’une maladie mentale, indiquent les signataires du rapport. Elles seront responsables de la mort prématurée de Canadiens suicidaires qui se seraient rétablis.

Pour les experts, le « parti pris » de la Commission est révélé par le fait que le besoin de former des praticiens à l’euthanasie est mis en avant, alors qu’elle ignore les préoccupations soulevées par de nombreux témoins auditionnés.

En effet, la propension à se suicider ne peut pas être distinguée des demandes de suicides assistés pour troubles mentaux. Le risque est en particulier important chez les personnes marginalisées ou victimes de « souffrances sociales ».

En outre, les experts constatent le rejet par la Commission des neurosciences au profit de l’idéologie. Ainsi, la section sur les « mineurs matures » qui cite les études montrant que « le lobe frontal du cerveau, qui joue un rôle clé dans l’évaluation des risques et la prise de décision, n’est pas complètement développé avant l’âge adulte », finit par rejeter ces données, arguant que « les adolescents souffrant de maladies graves ont tendance à posséder un niveau de maturité peu commun ».

« Mineurs matures »

Toujours sur la question des « mineurs matures », un « concept insaisissable », la Commission ne prévoit pas d’âge minimum. En se contentant d’appliquer le principe de la « capacité de décision », on retient un critère établi pour des adultes, en ignorant la nature des individus, en l’occurrence des enfants.

En outre, les recommandations de la Commission remettent en cause la protection de l’enfant, en ne prévoyant pas de consentement parental [1].

La question du consentement anticipé

L’autorisation de l’« aide médicale à mourir » pour les personnes incapables de consentir nécessiterait « des preuves solides » que le consentement antérieur reste valable. Ce que la Commission ne fournit pas, selon les signataires du rapport.

En effet, ils déplorent une sous-représentation des praticiens spécialistes des soins aux personnes âgées. Les intervenants auditionnés étaient des militants ou des prestataires d’AMM, mais aucun d’entre eux ne s’occupe de patients atteints de démence avancée.

Toujours en matière de consentement anticipé, les experts évoquent le « paradoxe du handicap », c’est-à-dire la tendance à avoir une perception beaucoup plus négative de la qualité de vie avant de devenir handicapé qu’après.

Ainsi, les personnes euthanasiées sur la base de leur consentement anticipé n’auront pas véritablement consenti à l’acte. Dès lors, leur mort sera plutôt fondée sur la décision d’un tiers.

 

[1] Recommandation 19 de la Commission spéciale : « Que le gouvernement du Canada exige que, le cas échéant, les parents ou les tuteurs d’un mineur mature soient consultés au cours du processus d’évaluation de la demande d’aide médicale à mourir, mais que la volonté du mineur dont on estime qu’il a la capacité de décision requise soit prioritaire in fine ».

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