23andMe est l’une des plus grosses entreprises américaines proposant l’analyse du code génétique de ses clients. Moyennant 99 € et un peu de salive, la firme permet de retracer le patrimoine génétique[1]. Cette entreprise a été co-créée en 2006 par Anne Wojcicki, à l’époque épouse de Sergey Brin, co-fondateur de Google. Très rapidement « Google y investissait près de 4 millions de dollars en 2007, poussant la compagnie à proposer ses services dans 55 pays ». Depuis 2017, l’entreprise propose même le dépistage des risques de maladies génétiques[2], ce qui a considérablement élargi leur clientèle et leur a permis de « constituer l”une des plus importantes bases de données génétiques au monde ».
Véritable « source de convoitise », ces données sont très précieuses[3]. Elles « représentent une mine d’or[4] pour quiconque travaille sur les maladies génétiques ». Par exemple, l’Institut National de Santé américain, public et non-lucratif, a besoin d’un million de génomes pour faire avancer la recherche, mais peine à les rassembler.
GlaxoSmithKline, neuvième plus grosse entreprise pharmaceutique au monde, vient de débourser 300 millions de dollars en échange de l’exclusivité d’accès à cette base de données génétiques. Cinq millions de personnes sont concernées, en toute légalité puisque 80 % des clients de 23andMe ont coché une case, lors de leur inscription, autorisant l’utilisation de leurs données génétiques dans le cadre de la recherche.
« Lorsque deux entreprises à but lucratif signent un accord où le joyau de la couronne est votre séquence génique et que vous payez pour y participer, je pense que c’est le monde à l’envers », s’indigne Peter Pitts, le président du Centre de la Médecine pour l’Intérêt Public. Celui-ci milite pour que les personnes offrant leur génome à la science soient rémunérées pour leur don et juge « malhonnête d’utiliser des données médicales récoltées en faisant payer des individus dans le but de générer du profit en vendant des médicaments potentiellement conçus grâce à ces mêmes données par la suite ». Pire, ces personnes « se retrouveront peut-être à payer deux fois. La première fois pour faire analyser leur génome par 23andMe, et la seconde en achetant les médicaments créés grâce à leur ADN ».
Mais le marché de la santé est tellement lucratif aux Etats-Unis que GlaxoSmithKline a tout intérêt, financièrement, à conserver cette exclusivité, pour empêcher d’autres laboratoires pharmaceutiques de trouver des traitements prometteurs avant eux. Car ces données génétiques sont bien utilisées par « une entreprise privée dont le but est de faire du profit grâce à des produits médicaux vendus à des prix faramineux ».
Voir aussi :
Quand Google vend le patrimoine génétique de 650 000 personnes
Usbek & Rica, Mathilde Simon (31/07/2018)
Photo : Pixabay/DR