A la suite du rapport sur l’accompagnement de la fin de vie (1), remis en juin dernier par la mission parlementaire présidée par Jean Léonetti, le ministre de la Santé (2) annonce qu’une proposition de loi ” pour que les malades incurables puissent choisir leur mort” sera discutée au Parlement d’ici la fin de l’année.
La proposition de loi
La mission parlementaire écarte dans sa proposition de loi toute idée de dépénalisation de l’euthanasie sur le modèle belge ou néerlandais et reconnaît en même temps “ne pas s’être accommodée du statut quo.“
Elle renforce le droit des malades à refuser l’obstination déraisonnable et définit les procédures d’arrêt de traitement. Elle précise sur ce point, dans l’exposé des motifs, qu'”en autorisant le malade conscient à refuser tout traitement, le dispositif viserait implicitement le droit au refus à l’alimentation artificielle, celle-ci étant considérée par le Conseil de l’Europe, des médecins et des théologiens comme un traitement”. Elle concrétise les obligations palliatives des établissements de santé.
C’est cette proposition de loi qui devrait être inscrite à l’ordre du jour à l’Assemblée nationale avant la fin de l’année.
Des propos ambigus du ministre
Dans son interview au Figaro, le ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy précise qu’il n’est pas question de dépénaliser l’euthanasie car cela remettrait en cause l’interdit du droit de tuer. La nouvelle loi devrait modifier seulement les articles 37 et 38 du code de déontologie médicale ainsi que le code de la santé publique. Mais le ministre parle d’instaurer le droit de mourir dans la dignité et de permettre aux “malades incurables de choisir leur mort”… et reprend ainsi les propos de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et de son président, Henri Caillavet, farouche militant de l’euthanasie.
Si l’expression “mourir dans la dignité” ne doit pas être confisquée par cette association, l’utilisation de ces termes par le ministre n’aide pas à clarifier le débat… Le ministre de la Santé propose également d'”établir une frontière intangible entre les malades qui n’ont plus aucun espoir de vie et ceux pour lesquels il y a encore de l’espoir”. Dans quel but ?
Les soins palliatifs encouragés
La loi inscrira l’obligation de créer des lits en soins palliatifs, obligation portée dans les contrats pluriannuels conclus avec les agences régionales d’hospitalisation. Il y avait au total, en France, fin 2003, 1615 lits de soins palliatifs, c’est trop peu. Et le ministre de la Santé conclut : “les soins palliatifs, c’est la lutte contre la douleur, accompagnée de considérations éthiques comme humaines. Cela ne coûte pas forcément cher. Il faut former les personnels et acquérir une culture. Ce n’est qu’une question de volonté politique “. (3)
Un texte inutile ?
Pourquoi vouloir modifier le code de déontologie dont l’article 37 prévoit clairement qu’ “en toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances de son malade, l’assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique” ? Le Pr Claude Huriet, conseiller d’Etat, dans le Figaro du 4 septembre remarque qu’ “une loi est inutile… Confronté à l’approche de la mort, tout homme redoute la solitude et la douleur… le droit à l’accès aux soins palliatifs est garanti par la loi du 9 juin 1999 qui avait institué, entre autres, un congé d’accompagnement pour les proches…”
Quant à la possibilité pour le malade de décider de sa propre fin, elle constitue depuis la loi du 4 mars 2002 un droit qui s’exprime, en ces termes “toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé ” y compris la décision de mettre un terme à son traitement, de choisir les soins palliatifs plutôt qu’une cure de chimiothérapie…
Pourquoi ouvrir un débat national si l’intention du gouvernement est de ne pas modifier l’interdit d’euthanasie ? N’est-ce pas prendre le risque de voir le débat lui échapper ? Affaire à suivre…
1- Rapport de M. Jean Leonetti au nom de la mission d’information sur l’accompagnement de la fin de vie, n°1708, déposé le 30/6/2004.
2- Le Figaro, 27 août 2004
3- Voir aussi Gènéthique n°29, Lucien Israël, Les dangers de l’euthanasie.
Précision à propos des livres sur la fin de vie du Dr Bruno Cadart
Les deux excellents ouvrages du Dr Bruno Cadart, « En fin de vie, répondre aux désirs profonds des personnes » et « Réflexions sur…mourir dans la dignité », présentés dans la Lettre Gènéthique d’août 2004 sont diffusés en France par Distribution du nouveau monde (D.N.M), 30 rue Gay Lussac, 75005 Paris ; tel : 01 43 54 49 02.