Vincent Lambert : la CEDH examinera le recours mais refuse les mesures provisoires qui devaient suspendre l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation

Publié le 30 Avr, 2019

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) vient de rejeter la requête des parents de Vincent Lambert, déposée après la décision rendue par le Conseil d’Etat, qui a validé l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation (cf. Vincent Lambert : la CEDH rejette la requête des parents et Vincent Lambert : l’arrêt des soins validé par le Conseil d’Etat ). Maître Jean Paillot, avocat des parents du patient, revient sur ce nouveau rebondissement.

 

Gènéthique : Vous attendiez-vous à cette réponse négative qui intervient si rapidement ?

 

Jean Paillot : La décision rendue n’est pas une décision portant sur notre demande de constatation de violations de la Convention. Ce n’est pas non plus une décision d’irrecevabilité de notre recours. La décision rendue rejette notre demande de mesures provisoires, qui tendaient à interdire au médecin d’exécuter la décision d’arrêt d’alimentation et d’hydratation, le temps que la Cour statue sur notre demande au fond.

Autrement dit, la Cour nous dit : je veux bien poursuivre l’étude de votre recours, et tant pis si Vincent meurt entretemps.

 

G : Pourquoi la Cour a-t-elle pris cette décision ? Est-ce qu’elle n’est pas contraire aux droits de l’homme tels que la Cour les défend ?

 

JP : J’espérais, contre toute espérance, que la Cour européenne nous entendrait. La Cour n’avait pas montré un grand courage en rejetant notre recours en 2015. On pouvait espérer qu’en s’appuyant sur d’autres fondements juridiques, la Cour serait plus prudente. Mais elle a préféré dire que notre recours tend en réalité à remettre en cause la décision d’arrêt de soins, même en nous appuyant seulement sur des raisons procédurales. Elle ne veut pas donner l’impression que sa décision de 2015 pourrait être remise en cause.

 

G : Espérez-vous que le recours auprès du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU puisse faire évoluer favorablement la situation de Vincent Lambert ?

 

JP : Notre recours porté devant le CIDPH est porté devant une juridiction qui sait réellement ce que sont les personnes handicapées. Par ailleurs, ce comité n’a jamais statué sur un cas équivalent. Il a donc des « yeux neufs » sur la question, et je pense qu’il a assez de cran pour dire à la France qu’elle se trompe gravement, en admettant l’euthanasie de personnes handicapées, pour la seule raison qu’elles sont handicapées et qu’elles auraient dit, avant leur accident, qu’elles n’auraient pas voulu vivre ainsi. Mais personne ne peut le souhaiter !

 

G : Les parents de Vincent Lambert parlent d’une « cinquième condamnation à mort ». Qu’est-ce qui explique un tel acharnement alors que ce patient n’est pas en fin de vie et ne relève pas de la loi ?

 

JP : On ne regarde pas avec justesse ce type de personnes. On pense que, parce qu’elles ne donnent pas l’impression, avec le premier venu, d’être en mesure de communiquer, qu’elles seraient en situation d’obstination déraisonnable. Il ne s’agit plus ici de déterminer ce qu’il en est d’un traitement palliatif ou curatif, on juge de la valeur de la personne elle-même : sa vie n’aurait plus de sens ; alors il faut supprimer tout ce qui la maintient en vie « artificiellement ».

C’est une profonde injustice, qui résulte essentiellement d’une méconnaissance des capacités réelles de ce type de patients et des compétences médicales qui peuvent être mises en œuvre dans les établissements spécialisés, où l’on refuse depuis maintenant 6 ans d’y transférer Vincent. La France dispose d’une des meilleures filières médicales au monde dans ce domaine ; et pourtant, Vincent est maintenu, envers et contre tout, dans un service de soins palliatifs ; et pourtant on nomme des experts judiciaires qui ne vivent pas au quotidien avec ce type de patients et ne les connaissent pas réellement ; et pourtant, on refuse, dans le cadre d’une expertise judiciaire, de nous permettre de contester la méthode d’évaluation que ces experts ont choisie, et qui est radicalement contraire aux bonnes pratiques médicales. Tout a été fait pour que l’état réel de Vincent soit occulté. Peu importe son état réel, ce qui compte c’est qu’il meure, et vite. C’est lamentable.

Nous sommes en présence d’un véritable scandale médico-judiciaire.

J’espère que le comité international des droits des personnes handicapées saura montrer le chemin de la sagesse et nous aidera enfin à sortir Vincent du couloir de la mort dans lequel il est enfermé. A clé.

 

Pour aller plus loin :

Jean Paillot

Jean Paillot

Expert

Avocat au barreau de Strasbourg depuis 1992, expert au Conseil de l’Europe pour le compte du Saint-Siège depuis 2012. Enseignant en droit de la Santé à l’Institut Politique Léon-Harmel (DU d’Ethique biomédicale délivré par l’Université Catholique d’Angers) depuis 2007.

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