Vers un droit à l’enfant normal ?

Publié le 3 Mar, 2006

Le quotidien La Croix publie aujourd’hui un dossier sur le dépistage prénatal intitulé "Dépistage prénatal, alerte aux dérives".

Dominique Quinio dans son éditorial relève "les excès du dépistage et le renversement de son sens – il ne s’agit plus de déceler une anomalie pour soigner mais pour éliminer – (qui) aboutissent à une véritable sélection des enfants". Elle déplore la tendance de notre société à revendiquer un "droit à l’enfant normal".

Danielle Moyse et Nicole Diederich, philosophe et sociologue, publient aujourd’hui un livre "Vers un droit à l’enfant normal ?"* qui est une enquête effectuée entre octobre 2002 et août 2004 auprès d’une soixantaine de professionnels de la naissance.

Apparaît un profond malaise chez les professionnels de la médecine foetale face à l’aspiration croissante des parents à un enfant parfait et à une forte demande d’interruption médicale de grossesse en cas d’anomalie. Plusieurs des praticiens interrogés constatent de plus en plus de difficultés chez les parents à accepter une malformation, même curable. Entre 1996 et 1999, sur 103 foetus atteints d’une anomalie des membres, 52% ont été avortés dans le cadre d’une interruption médicale de grossesse (IMG). Il n’existe pas de recensement national des IMG mais les données du registre des malformations congénitales (1990-99) indiquent que le nombre d’IMG augmente en même temps que les capacités diagnostiques. Les professionnels de la naissance s’interroge : "Que doit-on rechercher dans une échographie ? Doit-on par exemple compter les doigts ? Nous sommes totalement lâchés par la collectivité sur ces questions", déplore le Dr Roger Bessis, président du Collège français d’Échographie Fœtale (CFEF). Comment appliquer au mieux le devoir d’information imposé par la loi du 4 mars 2002 ? Géraldine Viot, généticienne à l’hôpital Cochin (Paris), explique : "nous avons de plus en plus de moyens à notre disposition. Du coup, nous découvrons des choses que l’on ne sait pas forcément interpréter et cela engendre des angoisses terribles (…). Personnellement, je pense qu’il y a des choses que nous ferions mieux de taire, car nous sommes parfois malfaisants".

D. Moyse et N. Diederich montrent que la médecine foetale avance à deux vitesses : d’un côté des femmes qui arrivent à l’accouchement avec quasiment aucun suivi médical, de l’autre des femmes, bien suivies, qui réclament un enfant sans défaut. S’y ajoute un fort décalage géographique entre les villes, les banlieues, les zones rurales où l’accès aux échographies et aux soins est très inégale. Le Dr Roger Bessis entrevoit déjà une "fracture génétique" : "nous ne le constatons pas encore mais c’est mathématique : les enfants nés avec une malformation seront plus nombreux dans les milieux défavorisés". Une chef de service dans un grand hôpital parisien constatait que "les naissances d’enfants trisomiques se produisent, de façon très dominante, dans les familles très défavorisées". D. Moyse et N. Diederich soulèvent le risque d’un eugénisme "différentiel", provoqué par des médecins attentifs à se protéger d’éventuelles poursuites et des parents qui font valoir leur "droit à un enfant normal".

L‘Eglise catholique reconnaît dans Donum Vitae (1987) le diagnostic prénatal "licite", "si les méthodes utilisées, avec le consentement des parents convenablement informés, sauvegardent la vie et l’intégrité de l’embryon et de la mère, sans leur faire encourir des risques disproportionnés". A contrario cet examen "est gravement en opposition avec la loi morale quand il prévoit, en fonction des résultats, l’éventualité de provoquer un avortement". Un diagnostic attestant l’existence d’une anomalie ou d’une maladie héréditaire "ne doit pas être l’équivalent d’une sentence de mort".

*Vers un droit à l’enfant normal ?, D. Moyse et N. Diederich, Ed. Erès.

La Croix (Anne-Bénédicte Hoffner) 03/03/06

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