Cette question avait déjà été portée devant la CEDH (cf. CEDH : le refus d’accès aux origines ne viole pas la Convention).
Mme B invoque « le droit au respect à la vie privée, le droit de mener une vie familiale normale, le principe d’égalité devant la loi, et l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ». Le 14 juin 2024, le tribunal a estimé que « les dispositions litigieuses ne peuvent être regardées comme ayant déjà été déclarées conformes à la Constitution », et que « la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux ». Cela a justifié la transmission de la QPC au Conseil d’Etat. Il dispose de 3 mois pour se prononcer sur cette QPC, et décider de la transmettre ou non au Conseil Constitutionnel.
Autoriser la violation du secret médical ?
Le donneur décédé n’ayant jamais renseigné le registre des dons de gamètes et d’embryons tenu par l’Agence de la biomédecine, quelles informations pourraient transmettre la CAPADD en cas de victoire de la requérante ? S’agirait-il d’accéder au dossier médical après son décès ? Ces données cesseraient-elles d’être soumises au secret au décès de la personne, sans considération pour les conséquences que pourrait générer leur divulgation, par exemple pour les proches du défunt ?
Au début de l’année 2024, Géraldine Bannier, députée démocrate, faisait enregistrer à la Présidence de l’Assemblée nationale une proposition de loi « visant à permettre à toutes les personnes nées d’un don de gamètes d’accéder à des informations sur leurs origines ». « Dans l’attente de la future loi de bioéthique, la présente proposition de loi entend faire avancer les droits des personnes nées par don de gamètes en leur permettant d’être informées de l’identité de leur géniteur au moment de leur décès et de lever l’anonymat de ce dernier », et « en leur permettant d’effectuer des tests génétiques généalogiques afin de recueillir des informations – fussent-elles parfois sujettes à caution – sur leur patrimoine génétique ».
La douleur de ne pas connaitre ses origines aura-t-elle le dernier mot ? (cf. PMA : des problèmes d’identité et de confiance chez les enfants nés après un don de gamètes)
Complément du 26/07/2024 : Le Conseil d’Etat a décidé de ne pas renvoyer la QPC devant le Conseil Constitutionnel. Ainsi, en l’absence du consentement du donneur pour lever son anonymat, quelle qu’en soit la raison, aucune information sur le donneur ne peut être transmise aux personnes issues de son don.
[1] Lors d’un procès devant une juridiction judiciaire ou administrative, il est possible de contester la loi qui est appliquée si on estime qu’elle est contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution. Cela s’effectue en posant une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) avant que l’affaire ne soit jugée. Si toutes les conditions sont réunies, c’est le Conseil constitutionnel qui va examiner la loi contestée et décider si elle ne doit plus être appliquée. (Source : Service public)
[2] décision du 5 juin 2023
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