Usage des examens prénataux : vers un nouvel eugénisme ?

Publié le 25 Mai, 2010

La disparition progressive des personnes handicapées, notamment trisomiques, "demande d’interroger sur l’usage des tests de dépistage et la place que l’on accorde dans notre société aux personnes handicapées" écrit le journaliste Henrik Lindell dans l’hebdomadaire Témoignage chrétien qui consacre un dossier à la question de ‘eugénisme. Les enfants naissent aujourd’hui de moins en moins malades mais "ce n’est pas toujours parce que la médecine a permis la guérison".  Dépistés par les examens prénataux – le diagnostic prénatal (DPN) et le diagnostic préimplantatoire (DPI) – les foetus malades sont de plus en plus éliminés, particulièrement ceux qui sont atteints de trisomie 21, 96% d’entre eux étant avortés. De plus, " comme la trisomie 21, des maladies considérées comme très graves, dont certains cancers, sont également dépistées chez le foetus non dans le but de préparer des soins mais de proposer aux parents l’élimination de celui-ci".

Si les examens prénataux permettent de sauver des vies, leur usage met en évidence deux problèmes : les tests visant à "déceler des anomalies chromosomiques sont ambigus", notamment la détection de la trisomie 21, qui est obligatoirement proposée vers la fin du troisième mois de grossesse. De plus, "la notion de ‘particulière gravité’ est éminemment vague. Or dans le cas de découverte ou de forte probabilité d’une maladie ‘grave’, l’avortement peut être pratiqué jusqu’aux derniers jours qui précèdent l’accouchement". Alors que le législateur n’établit pas, par principe, de "listes pour les maladies qui seraient ‘particulièrement graves’ et pour lesquelles on pourrait pratiquer une IMG", ce principe a été remis en cause par les arrêtés du 23 juin 2009 (Cf. Synthèse de presse du 3/07/09) et du 19 février 2010 (Cf. Synthèse de presse du 3/03/10) évoquant "le risque pour l’enfant à naître d’être atteint d’une maladie d’une particulière gravité, notamment la trisomie 21". Dans le même sens, une recommandation de la Haute autorité de santé en 2007 veut ajouter au DPN habituel un test plus précoce et combiné.

Ces "éliminations quasi-systématiques ne posent pas de problème particulier" sur le plan légal, entouré d’un "large consensus social compassionnel". Un simple tour dans les établissements effectuant des DPN et des DPI ou sur les sites internet médicaux populaires suffit pour "constater que le souci dominant est d’éviter le risque d’accoucher d’un enfant trisomique ou atteint d’une maladie grave". Les obstétriciens insistent souvent "sur le caractère ‘utile’ du test", au point qu’il faut se demander : "

Notre système de santé serait-il eugéniste?" Le CCNE reconnaissait dans un avis rendu en octobre 2009 plusieurs risques à venir dont "la tentation de privilégier l’élimination anténatale plutôt que la recherche des moyens de guérir les maladies". Certains médecins affirment que ces risques sont réels et justifient pleinement les craintes d’une dérive eugéniste. Le Pr. Jacques Testart a ainsi parlé d’un "risque d’eugénisme difficilement évitable" à propos de la mise en oeuvre du DPI. 

Henrik Lindell revient sur la découverte de la trisomie 21 par le Professeur Jérôme Lejeune en 1959 et sur le champ de recherche qu’il envisageait pour développer une thérapeutique à partir de l’idée "d’inhiber, avec des médicaments, la partie surabondante du génome qui empêche les autres chromosomes de donner à la personne un fonctionnement ‘normal’". Pour explorer pleinement ce champ de recherche, il conviendrait de développer la recherche sur la trisomie 21 et cesser la course à l’efficacité du dépistage. La Suède est l’un des pays les plus libéraux en matière d’avortement mais la ministre de la Santé "a remis en cause les IMG systématiques pour la trisomie, puisque la trisomie n’y est plus considérée comme une maladie nécessairement grave". Il est nécessaire de rappeler que les enfants trisomiques "peuvent évoluer sur le plan cognitif, surtout dans un milieu où ils se sentent bien accueillis, et cela dès le plus jeune âge". Contrairement aux idées reçues, la trisomie "n’est pas forcément une maladie ingérable pour les parents et les frères et soeurs", mais le principal problème "objectif" rencontré par les personnes trisomiques "est moins lié à leur santé, quoique fragile, qu’aux moyens consacrés (ou pas) aux structures prêtes à les accueillir".

Témoignage chrétien (Henrik Lindell) 20/05/10

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