Vendredi, le rythme d’examen de la proposition de loi relative au « droit à l’aide à mourir » s’accélère. Les députés n’ont plus que trois jours avant le vote solennel prévu mardi 27 mai.
Une « banalisation de cet acte », en contradiction avec ce qui a été affiché
Dans un hémicycle quasi désert, les députés débutent par l’examen de l’article 8 sur la préparation et la délivrance de la substance létale. L’occasion pour Sandrine Dogor-Such (Rassemblement national) d’initier le débat sur la clause de conscience des pharmaciens.
Outre cette revendication, Patrick Hetzel (Droite Républicaine) attire l’attention sur l’absence de définition de protocoles de sécurité et de traçabilité, ce qui expose à des « risques de confusion, d’erreur, et peut-être même de mésusage ». Il pointe également le rôle des pharmacies d’officine dans la délivrance de la substance létale, ce qui contribue à la « banalisation de cet acte », en contradiction avec ce qui a été affiché : seul un nombre limité de personnes serait concerné.
Une contradiction également relevée par Charles Sitzenstuhl (Ensemble pour la République) qui pose « une nième fois la question » à la ministre et au rapporteur général : combien de Français seront concernés dans les prochaines années ? « C’est une donnée essentielle du débat que vous n’avez toujours pas transmise », regrette-t-il.
Après lui, Thibault Bazin (Droite Républicaine) revient également sur la clause de conscience : « une loi se voulant de liberté pour tous doit aussi l’être pour les pharmaciens ».
Le rapporteur général Olivier Falorni (Les Démocrates) se veut rassurant, comme la ministre de la Santé qui évoque la future définition du protocole par voie règlementaire. Sur la question de la clause de conscience, elle rappelle qu’elle a été déclarée « inconstitutionnelle » pour la délivrance de la pilule contraceptive. Les enjeux sont-ils identiques ? Marie-Noëlle Battistel (Socialistes et apparentés) approuvera la référence de la ministre, en ajoutant celle de la pilule abortive. Agnès Firmin Le Bodo (Horizons et Indépendants) fera de même.
« L’article 8 comme tous les articles nous démontre que c’est l’article premier qui, lui-même, est une mauvaise route »
Dominique Potier (Socialistes et apparentés) réagit : « Chaque fois que nous essayons de poser des bornes, des aménagements, des accommodements qui nous semblent raisonnables autour de ce texte, nous sommes confrontés à des impasses, tel un labyrinthe, observe-t-il. Cela nous dit que le chemin même que nous avons emprunté de façon ontologique est un mauvais chemin. Parce qu’à chaque fois, nous arrivons à des dilemmes qui sont quasiment insolubles. »
L’élu cite les propos d’un « grand député qui, à gauche, a porté cette voix dans le débat de 2024 », Pierre Dharréville (cf. Le débat arrive sur l’« aide à mourir » : « C’est l’ensemble du corps social qui est ici convoqué »). « Pris de vertige devant l’impasse qui montrait, point par point, qu’on ne pouvait pas arbitrer ces questions-là, sinon à tomber dans des dilemmes qui sont abyssaux, il parlait d’un projet brutal, d’un texte sans rivage, d’un terrible message de renoncement et d’abandon qui ne serait pas sans conséquence sur la vie sociale, la solidarité et le soin. » « L’article 8 comme tous les articles nous démontre que c’est l’article premier qui, lui-même, est une mauvaise route pour notre démocratie, notre République, et la République sociale que nous chérissons », plaide Dominique Potier.
« Vous cherchez à instaurer une police de la pensée »
Sandrine Rousseau (Ecologiste et Social) hausse le ton face aux députés qui continuent à utiliser les termes d’euthanasie et de suicide assisté. « Vous êtes une partie du problème ! », invective-t-elle, citant des chiffres de l’augmentation des suicides chez les jeunes femmes. Philippe Juvin (Droite Républicaine) procède à un rappel au règlement, la séance est suspendue.
« Vous cherchez à instaurer une police de la pensée », observe Patrick Hetzel. « Votre violence verbale est révélatrice, véritablement, d’une pensée totalitaire. » « Ce n’est pas à la hauteur des débats et vous n’avez en aucun cas le monopole de l’éthique dans cet hémicycle », s’indigne l’élu. En réponse, Sandrine Rousseau partage l’évocation douloureuse du suicide de sa mère. C’est en raison de cette expérience qu’elle milite pour le suicide assisté, explique-t-elle. Mais Geneviève Darrieussecq (Les Démocrates) appelle à voir « plus haut, plus loin que nos cas particuliers ».
Charles Sitzenstuhl répondra également à sa collègue écologiste sur la question de la sémantique : « Vous ne devriez pas avoir peur des mots. » « L’ADMD dont, d’ailleurs le rapporteur général est membre du comité d’honneur (…) utilise très clairement les mots d’euthanasie et suicide assisté. Je ne sais pas si vous leur avez fait le reproche de souiller le débat d’une façon ou d’une autre, d’être trop brutal », ironise l’élu.
Aucun amendement ne sera adopté à cet article. Il est voté par 71 voix contre 45 au terme d’une heure de débat.