Une loi pour établir « un droit à une mort provoquée » au terme « d’une procédure anormalement expéditive » : le collectif Démocratie, Ethique et Solidarités publie son premier avis

7 Avr, 2025

Le collectif Démocratie, Ethique et Solidarités publie son premier « avis » relatif aux « enjeux d’une loi en faveur d’une mort programmée ». Dans un document d’une trentaine de pages « fruit d’un an de travaux »[1], il dénonce une « loi d’autodétermination » qui pourrait conduire à un accès « quasiment sans limite » au suicide assisté et à l’euthanasie (cf. Une proposition de loi sur « la fin de vie » consacrée à l’« aide à mourir »).

De nombreuses personnalités

Le collectif coordonné par Emmanuel Hirsch, professeur émérite d’éthique médicale à l’Université Paris-Saclay, et Laurent Frémont, juriste et enseignant en droit constitutionnel à Sciences-Po Paris, compte 101 membres. Parmi eux on peut citer Jean Leonetti, coauteur de la loi actuelle relative à la fin de vie, deux anciens ministres de la Santé, François Braun et Elisabeth Hubert, mais aussi des juristes et des soignants renommés. Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), Hervé Chneiweiss, président du comité d’éthique de l’Inserm, ou encore le professeur de gynécologie obstétrique Israël Nisand figurent parmi les signataires.

Et alors que le CCNE s’était prononcé en faveur de l’« aide active à mourir » en 2022 (cf. Avis du CCNE : en marche vers l’« aide active à mourir » ?), Didier Sicard et Alain Grimfeld, présidents d’honneur du Comité, et Pierre-Henri Duée, président de sa section technique, signent cet avis contradictoire.

« Parmi les membres du collectif, certains ne sont pas opposés à toute évolution législative, précise Emmanuel Hirsch, mais il faut qu’elle ait un sens et respecte des valeurs, une éthique médicale. »

« Il serait plus facile d’obtenir une euthanasie qu’une consultation spécialisée en douleur »

Pour les rédacteurs de cet avis, la proposition de loi actuellement à l’étude vise à établir « un droit à une mort provoquée » qui interviendrait au terme « d’une procédure anormalement expéditive ».

En effet, le texte prévoit qu’un médecin statue sur la demande du patient, sans mettre en œuvre de procédure collégiale, dans un délai maximal de 15 jours. Ensuite le patient disposerait d’un délai de 48 heures, qui pourra être raccourci, pour confirmer sa demande. Une demande qui pourrait être seulement orale, « sans aucune traçabilité », pointe Laurent Frémont.

Dès lors, « en cas de douleur réfractaire, il serait plus facile d’obtenir une euthanasie qu’une consultation spécialisée en douleur, au regard des délais constatés aujourd’hui en France », dénonce l’avis. « Quand on décortique mot à mot cette proposition de loi, on se rend compte que ses critères flous et subjectifs ouvrent l’accès à la mort provoquée à grande échelle », avertit le juriste.

« Le droit n’est jamais neutre. En légalisant, on légitime »

« Cette proposition de loi nous apparaît comme une rupture anthropologique qui remet en cause les fondements de notre démocratie, notamment nos valeurs de solidarité envers les personnes fragiles ou vulnérables », explique Emmanuel Hirsch.

« Le droit n’est jamais neutre. En légalisant, on légitime », prévient Laurent Frémont. « Les patients qui remplissent les critères légaux seront forcés à se demander s’ils veulent continuer à vivre, poursuit Emmanuel Hirsch. On fragilise les malades si la loi considère comme recevable – voire préférable – qu’on les aide à mourir. »

Or « dans les moments où la vie devient insupportable, faut-il proposer d’y mettre un terme ou tout faire pour que les patients bénéficient des bons traitements et d’un environnement social et médical qui permettent de vivre sa vie ? », interroge le professeur.

« L’héroïsation » des personnes se rendant à l’étranger pour mourir

Le collectif dénonce également « une véritable promotion du suicide », fruit de « l’héroïsation » des personnes se rendant à l’étranger pour accéder à l’euthanasie ou au suicide assisté.

« Cette incompatibilité du suicide assisté et de la prévention du suicide est complètement ignorée dans le débat, dénonce Laurent Frémont. Et quel paradoxe de voter cette loi l’année où la santé mentale a été déclarée grande cause nationale ! ».

 

[1] Des malades et aidants ont notamment été consultés comme Cyrille Jeanteur, atteint d’un locked-in syndrome et Bertrand Bonnefond souffrant de la maladie de Charcot.

Source : Le Figaro, Procédure «expéditive», critères «flous et subjectifs» : de grandes voix s’élèvent contre «l’aide active à mourir», Agnès Leclair (06/04/2025)

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