Une espèce de loup ressuscitée ? L’annonce enjolivée de Colossal Biosciences

Publié le 8 Avr, 2025

La société Colossal Biosciences affirme avoir ressuscité une espèce de loup disparue il y a plus de 10 000 ans, le canis dirus (Aenocyon dirus). Les trois petits nés récemment sont en réalité des loups gris ayant subi des modifications génétiques destinées à les faire ressembler à l’espèce éteinte (cf . Avant le mammouth laineux, des chercheurs fabriquent des « souris laineuses »).

L’utilisation de la technique de clonage

« Le 1er octobre 2024, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, Colossal a réussi à restaurer une espèce autrefois éradiquée grâce à la science de la dé-extinction, se vante la société sur son site internet. Après plus de 10 000 ans d’absence, notre équipe est fière de redonner au loup préhistorique la place qui lui revient dans l’écosystème. »

Pour aboutir à leurs fins, les scientifiques ont identifié les traits spécifiques à cette espèce en examinant l’ADN de fossiles [1]. Ils ont ensuite prélevé des cellules sanguines sur un loup gris vivant et ont utilisé l’outil d’édition génétique CRISPR pour effectuer 20 modifications différentes, puis transféré ce matériel génétique dans un ovule de chienne. Les embryons ont été implantés dans des « mères porteuses », également des chiennes domestiques.

Deux mâles appelés Remus et Romulus sont nés en octobre ; une femelle baptisée Khaleesi [2] est née en janvier.

20 modifications pour retrouver l’espèce éteinte ?

En 2021, un étude ADN a révélé que le dernier ancêtre commun au loup gris et au canis dirus remonte à « environ 6 millions d’années ». Les chacals, les chiens sauvages d’Afrique et les dholes sont plus étroitement liés aux loups gris que les canis dirus, en dépit de leur apparence similaire.

Beth Shapiro, directrice scientifique de Colossal, affirme que son équipe a séquencé le génome complet du canis dirus et qu’elle le rendra bientôt public. Les deux espèces partageraient 99,5 % de leur ADN. Le génome du loup gris comprend « environ 2,4 milliards » de paires de bases. Pourtant la société affirme avoir obtenu des canis dirus en effectuant seulement 20 modifications génétiques.

Cinq mutations visées sont connues pour donner des pelages clairs chez les loups gris. Seules 15 sont basées directement sur le génome du loup préhistorique et visent à modifier la taille, la musculature et la forme des oreilles de l’animal. Il faudra attendre environ un an avant de savoir si ces changements ont eu les effets escomptés sur les animaux génétiquement modifiés, précise Beth Shapiro.

L’espèce, un concept pluriel ?

La scientifique défend son travail en affirmant que « les concepts d’espèces sont des systèmes de classification humains ». « Tout le monde peut être en désaccord et tout le monde peut avoir raison », considère-t-elle. « Nous utilisons le concept d’espèce morphologique et disons que s’ils ressemblent à cet animal, alors ils sont l’animal », explique Beth Shapiro.

Les petits sont désormais élevés dans une réserve de 800 hectares où ils sont suivis et soignés « Il n’est pas prévu de les laisser se reproduire. »

Colossal Biosciences a également annoncé qu’elle avait cloné quatre loups rouges à partir de sang prélevé sur des loups sauvages de la population du sud-est des Etats-Unis, « gravement menacée d’extinction ». L’objectif est d’« apporter une plus grande diversité génétique à la petite population de loups rouges en captivité » que les scientifiques utilisent pour se reproduire et ainsi contribuer à la sauvegarde de l’espèce.

 

[1] Les chercheurs ont étudié une dent de loup vieille de 13 000 ans déterrée dans l’Ohio et un fragment de crâne vieux de 72 000 ans trouvé dans l’Idaho, tous deux faisant partie de collections de musées d’histoire naturelle.

[2] Du nom d’un personnage de la série Game of Thrones

Sources : New Scientist, Michael Le Page (07/04/2025) ; AP news, Christina Larson (08/04/2025) ; Photo : Christel SAGNIEZ de Pixabay

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