Un statut pour l’embryon humain ?

Publié le 11 Mar, 2009

Suite de l’ABC de la bioéthique de La Croix, le journal fait aujourd’hui le point sur la question du statut de l’embryon humain, relancée notamment par la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Pour Marianne Gomez, "il ne s’agit plus seulement aujourd’hui de se prononcer sur le maintien en vie ou la destruction des embryons, mais de savoir dans quelle mesure ceux-ci peuvent être utilisés comme matériau de recherche".

Le statut est fixé par des lois ou des règlements. En France, le droit civil reconnaît seulement deux catégories juridiques : les choses, objets de droits, et les personnes, sujets de droits. Ni chose, "à l’évidence", ni personne, le droit français considérant qu’une personne doit être "née vivante et viable" pour disposer de la personnalité juridique, "où placer l’embryon" ?
En juin 2002, la Cour de cassation avait donc statué que l’on ne peut pas condamner pour homicide quelqu’un pour avoir tué un fœtus, celui-ci n’étant pas une personne. Les tentatives de créer une infraction d’interruption volontaire de grossesse (IVG) menées à l’Assemblée (avec l’amendement Garraud notamment, en 2003) ont été déboutées par crainte d’une remise en cause la loi sur l’avortement. "Depuis, la question du statut de l’embryon et/ou du fœtus est dans l’impasse", note le quotidien.

Pourtant, l’article 16 du Code civil stipulant que "la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie" procure à l’embryon une forme de protection juridique. Depuis 1994, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine a valeur constitutionnelle, sans que "le principe du respect dès le commencement de la vie" ne soit appliqué aux embryons in vitro. Mais, pour la journaliste, les embryons in vitro sont protégés par les lois de bioéthique qui interdisent la conception et l’utilisation des embryons à des fins commerciales ou industrielles ainsi que la conception d’embryons pour la recherche. Pour autant, ces lois autorisent leur destruction au bout de cinq ans ou, par dérogation, le fait qu’ils puissent faire l’objet de recherches.

Selon le quotidien, "a priori, toute perspective d’introduire dans la loi une définition de l’embryon est écartée". En 1984, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a bien proposé le concept de "personne humaine potentielle" sans que cela soit une définition légale.

La Croix parle d’une "impossible définition commune", citant tour à tour le biochimiste Michel Pucéat (directeur d’une unité de recherche INSERM sur la thérapie cellulaire) pour lequel on "ne peut pas parler d’embryon à propos des premiers stades de la vie" ; l’islam pour qui le statut de fœtus découle de son animation (au 40e jour) ; le judaïsme pour qui l’embryon n’a pas de valeur avant le 40e jour ; les protestant qui considèrent que c’est le projet parental qui donne à l’embryon une valeur humaine ; et l’Eglise catholique pour qui "l’embryon humain, à quelque stade de son développement qu’on le prenne, est un être engagé dans un processus continu, coordonné, et graduel, depuis la constitution du zygote jusqu’au petit enfant prêt à naître".
Président honoraire de l’Académie de médecine, Claude Sureau estime lui que le droit pourrait réconcilier ces différentes conceptions en reconnaissant "l’être prénatal" dont le respect "évoluerait en fonction de son âge". Pour Bertrand Mathieu, professeur de droit constitutionnel, cette proposition introduit "une rupture dans l’unité de l’espèce humaine".

Si "dans le monde, aucun texte de loi ne donne de statut à l’embryon", "chaque pays dispose d’un arsenal législatif pour le protéger". Ainsi, en Europe, c’est la Convention européenne des droits de l’homme et de la biomédecine, dite Convention d’Oviedo, [non ratifiée par la France, NDLR] qui fixe les règles en la matière en interdisant "la constitution d’embryons humains aux fins de recherche" et précisant que "lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la loi, celle-ci assure une protection adéquate aux embryons".
Aux Etats-Unis, plusieurs tentatives ont été menées pour faire adopter des lois reconnaissant l’embryon comme un être humain dès sa conception, comme au Dakota du Sud et au Colorado en novembre 2008 (cf. Synthèses de presse du 05/11/08). L’affaire des octuplés (cf. Synthèse de presse du 02/02/09) a aussi relancé le débat, leur mère plaidant que "tous [les embryons congelés, NDLR] étaient mes enfants. Comment pouvais-je choisir entre eux qui aurait une chance de vivre et qui mourrait ?".

D‘ailleurs, "pour les couples, l’embryon est déjà un enfant", affirme Dominique Regnault, présidente des psychologues de la fédération nationale des Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme (Cecos)…

La Croix (Marianne Gomez, Anne-Bénédicte Hoffner, Nathalie Lacube) 11/03/09

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