Un prisonnier suisse demande le suicide assisté : quelle réponse ?

Publié le 10 Jan, 2020

En Suisse, le prisonnier Peter Vogt, condamné pour agressions sexuelles sur des dizaines de jeunes filles et interné à vie compte tenu de sa dangerosité, a contacté en juillet 2018, de sa prison, Exit-suisse pour bénéficier du suicide assisté. Il considère qu’«il est plus humain de vouloir se suicider que d’être interné vivant pour les années à venir ». Il ajoute : « Mieux vaut être mort que derrière des murs à végéter ».

 

Damien Le Guay, philosophe, éthicien, membre émérite du Conseil scientifique de la SFAP, rapporte qu’un rapport officiel d’octobre 2019 se « dit favorable » à cette requête, estimant que le suicide assisté est un droit « offert à tous ‘en raison du droit à l’autodétermination des individus’ ». Ce droit serait admissible pour tous les citoyens libres ou en prison et par ailleurs éligible, dès lors que la personne « est atteinte d’une maladie physique ou psychique entraînant des souffrances insupportables ».

 

En juin 2018, la Suisse insère dans « le champ des directives anticipées », des dispositions relatives au suicide assisté en cas de « souffrances insupportables », « d’ordre physiologique ou aussi psychologique, quand celles-ci sont jugées durables, indépassables et constatées par des médecins ». Ces dispositions font  à la fois sortir de la fin de vie et se base sur des critères d’appréciation qui ne sont plus « médicaux et objectifs » mais « subjectifs » car liés à une « souffrance insupportable » dues « aux troubles psychologiques énoncés par celui-là même qui en souffre ». Dans ce cas, « c’est comme si Peter Vogt était le seul juge de sa situation et de la solution qu’il demande à la société ». Pour Damien Le Guay, « c’est l’accomplissement de la logique d’autonomie individuelle ». Peter Vogt « se donne à lui-même sa propre loi (selon un principe d’autonomie) alors même qu’il a été ‘condamné’ par la loi, qu’il est en prison en raison d’un jugement, et qu’il doit aller au bout de sa ‘peine’ – même si sa peine n’a pas de terme ».

 

Or l’éthique « doit trouver un juste équilibre entre ‘le souci de soi’, le ‘souci de l’autre’ et ‘le souci de la cité’ ». Et le philosophe dénonce « la négation de la cité et de la Loi symbolique » comme étant « une dérive actuelle de l’éthique ». Il ajoute : « À trop faire de l’éthique l’expression d’une compassion individuelle pour le seul souci de celui qui demande, sans tenir compte des autres et de la cohérence de l’ensemble, on finit par dissoudre le collectif ».

 

Il considère que « le ‘suicide’ comme un ‘droit citoyen’, et bientôt, partout, ‘l’euthanasie’ comme un droit viennent ensauvager la mort, affaiblir la solidarité des uns pour les autres, atténuer l’accompagnement qui est un dialogue et une succession de révélations. Ces ‘droits’, affirme-t-il, loin de la ’liberté’ qu’est le suicide, ont, de toute évidence, une valeur prédictive ». Il demande de « revenir à une éthique à trois temps, qui tient compte des trois soucis indiqués ». Parce que pour lui, « le moteur à trois temps de l’éthique est vital pour ne pas favoriser la seule logique des droits individuels dans l’aveuglement des autres et de ce tout qui nous porte et nous protège qu’est la cité ».

Le Figaro, Marguerite Richelme (09/01/2019) –  Suisse: «L’aide au suicide pour les prisonniers est une dérive individualiste de l’éthique»

Photo : Jody Davis de Pixabay

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