Un modèle de cerveau embryonnaire humain développé à partir de cellules souches, quel risque éthique ?

Publié le 4 Juin, 2020

En utilisant des cellules souches embryonnaires cultivées « dans un système microfluidique », des chercheurs de l’université de Copenhague déclarent, dans un article publié dans la revue Nature Biotechnology[1], avoir conçu « un modèle de cerveau embryonnaire précoce ». Une annonce qui semble quelque peu prématurée, les auteurs avouant eux-mêmes ne pas détenir les clefs des modifications menant au développement d’une véritable plaque neurale. Ils ont en fait seulement créé des conditions de culture favorables à un tel développement.

 

L’objectif de ces travaux est de « mieux comprendre comment le cerveau humain se développe et (…) accélérer la mise au point de traitements à base de cellules souches pour les troubles cérébraux tels que la maladie de Parkinson, l’épilepsie et la démence ». « Nous savons qu’au stade embryonnaire précoce, le cerveau est exposé à diverses concentrations de facteurs de croissance qui induisent la formation de différentes régions cérébrales. En utilisant des méthodes microfluidiques, nous pouvons – dans des conditions extrêmement contrôlées – recréer l’environnement que l’on trouve dans l’embryon précoce », explique le professeur adjoint Pedro Rifes, premier auteur de l’étude. « Lorsque nous exposons les cellules souches à l’environnement contrôlé, nous pouvons créer un tissu qui ressemble à un cerveau embryonnaire à un stade très précoce, environ quatre à cinq semaines après la fécondation de l’ovule – un stade que nous n’avons pas pu étudier jusqu’à présent », précise-t-il.

 

Les chercheurs comptent utiliser ce modèle « pour dresser une carte du développement des cellules cérébrales – une sorte d'”arbre de développement” du cerveau » qui sera mis à disposition des autres chercheurs pour servir de « guide » pour la production de différents types de cellules nerveuses dans les thérapies à base de cellules souches.

 

Pourtant, quelle avancée notable justifierait l’obstination de certains scientifiques à travailler à partir de cellules souches embryonnaires humaines ? Il existe aujourd’hui une alternative incontestable : les cellules iPS, des cellules souches humaines adultes qui, réduites à la pluripotence, vont pouvoir, de la même façon que les cellules embryonnaires, se différencier en n’importe quelle cellule du corps. Ces cellules qui ne posent aucun problème éthique ainsi que le rapportait en 2017 l’Académie de médecine. En outre, elles ont fait l’objet d’essais cliniques rapidement après leur découverte, ce qui démontre leur potentiel en thérapie cellulaire, une des applications envisagées par les chercheurs (cf. Première transplantation de cellules cardiaques fabriquées à base de cellules iPS , Au Japon, nouvel essai clinique à partir de cellules iPS pour soigner les genoux endommagés , DMLA : Un essai clinique américain utilisant des cellules iPS )

 

Autre interrogation que ne semblent pas faire leur les auteurs de l’étude, travailler sur des cellules cérébrales, dont on sait finalement peu de chose, est un sujet délicat en soi. En effet, à quel moment apparaissent les sensations, la conscience ? Quelles sont les limites d’une recherche éthiquement justifiable ?

 

Pour Agnete Kirkeby, professeur agrégé à l’origine de l’étude, le modèle qu’ils développent peut être également utilisé « pour étudier comment les cellules cérébrales aux premiers stades embryonnaires réagissent à certaines substances chimiques qui nous entourent dans notre vie quotidienne ». Et elle cite à titre d’exemple, des substances présentes dans notre environnement, dans des produits de consommation ou encore les médicaments que pourraient prendre des femmes enceintes. Mais comment peut-on envisager utiliser un embryon comme matériau de laboratoire d’un côté, travailler sur des cellules souches embryonnaires implique en effet de détruire un embryon, quand, de l’autre, on accorde tant d’importance au développement et à la santé de tel autre ?

 

 

Pour aller plus loin :

Loi de bioéthique et recherche sur l’embryon : le législateur va-t-il réguler ou régulariser ?

Projet de loi de bioéthique et recherche sur l’embryon : des effets d’annonce

L’embryon humain, cet animal de laboratoire

Organoïdes de cerveau humain implantés dans des animaux : les chercheurs interrogent l’éthique

 


[1] Modeling neural tube development by differentiation of human embryonic stem cells in a microfluidic WNT gradient, Nature Biotechnology, DOI: 10.1038/s41587-020-0525-0

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