Mark, un Américain de 64 ans atteint de sclérose latérale amyotrophique (SLA)[1], utilise Alexa, l’assistant personnel d’Amazon, « en permanence » avec sa voix. Mais désormais, il peut également contrôler l’assistant virtuel par la pensée via un implant cérébral conçu par la société Synchron qu’on lui a installé dans le cadre d’un essai clinique (cf. Interface cerveau-machine : essais aux Etats-Unis).
Vers de nouvelles fonctionnalités ?
Mark pouvait déjà faire fonctionner un iPhone, un iPad et un ordinateur par la pensée, pour surfer sur Internet ou rédiger des courriels. Grâce à l’intégration avec le système d’Amazon, il peut contrôler Alexa pour allumer et éteindre les lumières de sa maison, regarder la télévision, passer des appels vidéo, écouter de la musique, contrôler sa caméra de sécurité, lire des livres et faire des achats sur Amazon (cf. Interfaces cerveau-ordinateur : une menace pour notre vie privée ?).
Synchron a également connecté l’interface cerveau-ordinateur [2] de Mark à ChatGPT d’OpenAI et au Vision Pro d’Apple. Thomas Oxley, PDG de Synchron, indique que l’entreprise travaille sur « d’autres fonctionnalités » et échange avec d’autres grandes entreprises technologiques pour de nouvelles intégrations.
Vers un essai de « plus grande envergure »
L’interface développée par Synchron ressemble à un maillage parsemé d’électrodes qui recueillent les signaux neuronaux. Au lieu d’être implanté directement dans le cerveau, il est inséré dans la veine jugulaire à la base du cou, selon une « procédure peu invasive ». Le chirurgien « pousse » le dispositif dans la veine jusqu’à ce qu’il s’appuie sur le cortex moteur.
La société a déjà implanté son dispositif chez six personnes aux Etats-Unis et quatre en Australie dans le cadre d’études préliminaires et s’apprête à lancer un essai de plus grande envergure avec davantage de participants.
Un domaine concurrentiel
Synchron est l’une des nombreuses entreprises, parmi lesquelles Neuralink, à vouloir commercialiser les interfaces cerveau-machine. Pour le moment aucune entreprise n’a reçu l’autorisation de le faire.
Cet été Neuralink a affirmé que son implant, conçu pour permettre aux patients paralysés d’utiliser des appareils numériques par la pensée, « fonctionnait bien » chez un second patient (cf. Neuralink : encore des annonces, toujours pas de publications scientifiques). Alex n’aurait pas été confronté aux mêmes problèmes que le premier patient, Noland Arbaugh (cf. Neuralink : malgré les dysfonctionnements, la FDA autorise l’implantation d’un deuxième patient).
De nouvelles technologies ?
Par ailleurs, le premier implant cérébral en graphène doit faire l’objet d’un essai clinique à Manchester, au Royaume-Uni. L’objectif principal de ce premier essai chez l’homme est de démontrer la sécurité des électrodes de graphène insérées dans le cerveau de huit à dix patients, précise Kostas Kostarelos, professeur à Manchester. « Nous évaluerons également la qualité des signaux enregistrés et la capacité de l’implant à stimuler le cerveau », souligne-t-il.
Les implants ont été produits par InBrain, une entreprise de neurotechnologies basée à Barcelone. Sa directrice générale, Carolina Aguilar, indique que la prochaine étape consistera à réaliser des essais cliniques pour la maladie de Parkinson.
Des scientifiques chinois ont quant à eux proposé que le génie génétique soit un jour utilisé « pour modifier les neurones du cerveau afin d’améliorer la qualité de la transmission des signaux » pour les interfaces cerveau-ordinateur.
Les chercheurs du Chinese Academy of Sciences’ National Centre for Nanoscience and Technology (NCNST) de l’Académie chinoise des sciences ont ainsi implanté, dans le cerveau d’une souris, « des capteurs porteurs d’une instruction génétique visant à agrandir les neurones et à les rendre plus faciles à “lire” ». Leurs expériences ont été publiées dans la revue Advanced Materials.
[1] Ou maladie de Charcot
[2] BCI : brain-computer interface, en anglais
Sources : Wired, Emily Mullin (16/09/2024) ; Reuters (22/08/2024) ; Financial Times, Clive Cookson (03/08/2024) ; South China Morning Post, Zhang Tong (03/09/2024) – Photo : Heiko de Pixabay