Trisomie 21 : La régularisation en catimini du statut du DPNI en France

Publié le 15 Mai, 2017

Alors que l’avis de la Haute Autorité de Santé n’est pas encore publié, un décret promulgué le 7 mai dernier, intègre le Dépistage Prénatal non invasif dans la liste des examens de diagnostic prénatal.

 

Fin avril, une première information filtre : des cliniques nantaises proposent « gratuitement » le dépistage prénatal non invasif de la trisomie 21 (DPNI), via des « subventions publiques », dont on peine à comprendre la source. Quelques jours plus tard, l’AP-HP[1] annonce à son tour que ses établissements offriront désormais le DPNI dans les mêmes conditions de financement et ouvriront une plateforme automatisée pour traiter les échantillons. Enfin, le 7 mai, dimanche des élections, un décret publié au JO passe inaperçu : le DPNI est dorénavant inscrit sur la liste des examens de diagnostic prénatal. Pas à pas, cette technique entre dans la politique française de dépistage de la trisomie 21. Le décret doit être suivi d’un arrêté,  prérequis à la mise en œuvre à grande échelle de la pratique du DPNI en France.

 

Le décret précise que les établissements proposant le DPNI doivent disposer d’une pièce consacrée aux entretiens avec les familles concernées par le « diagnostic ». Expliquer en quelques minutes en quoi consiste le DPNI et quelles seront ses conséquences relève du défi et mérite plus qu’une « pièce » ou quelques lignes. Il s’agit d’un examen génétique réalisé sur l’ADN fœtal libre circulant dans le sang maternel. Intégré entre le dépistage combiné et le diagnostic par prélèvement invasif, vers quelle catégorie penche-t-il ? Le DPNI reste dans le domaine du dépistage, des statistiques, de l’incertitude, un résultat positif devant être confirmé par amniocentèse.

 

Le DPNI, en tant qu’ « innovation », bénéficie depuis 2016 d’un régime particulier de prise en charge, grâce à son inscription au « référentiel des actes innovants hors nomenclature ». Un système qui le dispense de l’obligation d’accréditation, lui permet d’être mis en œuvre au motif du « recueil de données clinique et médico-économique »,  sans discrimination des femmes enceintes qui n’auraient pas les moyens de le payer puisqu’il est « financièrement pris en charge transitoirement »[2] (390€) par une enveloppe du ministère de la santé.

 

Suite au décret du 7 mai, cette enveloppe sera probablement remplacée par un remboursement en bonne et due forme de la sécurité sociale dès que l’arrêté fixant les conditions de prescription et de réalisation de ce test sera publié. Un texte qui sera proposé par le directeur général de l’Agence de Biomédecine après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

 

La précipitation est palpable en ce début du mois de mai. La deuxième partie du rapport de la Haute Autorité en Santé (HAS) se fait attendre. La première, publiée en octobre 2015 attestait de l’efficacité du DPNI avant même que les études françaises sur le sujet soit publiées. On ne doute pas que la seconde trouvera un scénario médico-économique qui satisfasse l’offre et la demande. Quant à l’évaluation « éthique », le Comité Consultatif National d’Ethique a donné le ton en 2013 : cette technique « permet  de diminuer de beaucoup le nombre de prélèvements ultérieurs, invasifs et potentiellement dangereux, particulièrement pour le fœtus ». Un argument qui empêcherait de remettre en question le bien-fondé d’une politique d’éradication[3]. Depuis quatre ans, ce test est commercialisé en France sans être agréé ou validé par les autorités sanitaires.  Ces instances ont-elles laissé s’installer petit à petit une situation avant de la valider en catimini ? 

 

[1] Assistance publique des Hôpitaux de Paris.

[2] Le référentiel des actes innovants hors nomenclature de biologie et d’anatomocytopathologie (RIHN) : http://social-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/recherche-et-innovation/rihn.

[3] Le dépistage de la trisomie 21 est réalisé auprès de 85% des femmes enceintes. 92% des fœtus trisomiques 21 sont dépistés. Parmi eux, 96% sont avortés. (Sources : Etude BEH publiée le 12 mai 2015 ; Conseil d’Etat rapport 2009 «  la révision des lois bioéthiques. Paris : la documentation française, 2009, p.40).

 

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