Trisomie 21 : dépistage et culpabilité

Publié le 30 Jan, 2007

La Croix revient sur les articles parus il y a quelques mois dans Nice matin et Var matin qui titraient : "Dépistage de la trisomie 21 : le retard coupable de la France" et "Malaise – un millier d’enfants trisomiques naissent chaque année en France" (cf. synthèse de presse du 20/06/06)

Danielle Moyse, docteur en philosophie et chercheur associée au Centre d’études des mouvements sociaux (CNRS-EHESS) s’indigne du sens de ces articles. Les auteurs y parlent de "malaise" et de "culpabilité" en raison du "trop grand" nombre de naissances d’enfants trisomiques qu’ils laissent passer. Ils se sentent coupables de ne pas mieux traquer les bébés trisomiques. Or, rappelle Danielle Moyse, la culpabilité ne devrait évidemment pas être associée au fait que des enfants trisomiques ne soient pas dépistés, mais plutôt dans la "traque" dont ils font l’objet parce qu’ils ne correspondent pas à nos "modèles normatifs".

Le plus inquiétant est que notre société considère que "non seulement les enfants trisomiques n’ont pas "le droit de vivre", mais même qu’ils n’existent pas". Leur souffrance et celle de leur famille face à notre violence ne compte pas. "Ne pas même imaginer qu’un homme puisse être affecté par un jugement concernant son existence même, c’est déjà considérer qu’il n’existe pas".

Danielle Moyse cite la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) saisie par le Collectif contre l’Handiphobie à la publication de ces articles. Pour la Halde, "les propos tenus par le docteur X ne constituent pas une provocation à la discrimination", parce qu’"il n’y a pas en l’espèce d’incitation manifeste et directe à commettre une discrimination au sens du code pénal, notamment à opérer une différence de traitement entre des personnes placées dans des situations comparables, dans un champ défini lui-même par la loi, tel que le refus d’embauche, de logement, de vente d’un bien ou de l’accès à un service". Puisque le droit français actuel ne reconnait pas le fœtus humain comme une personne, il était sans doute impossible de rendre un autre avis. "Pénalement, admettons !" dit-elle, "Mais humainement ?". Comment ne pas, au minimum, songer à ces "rescapés" du DPN, "susceptibles de s’émouvoir d’une déclaration affirmant aussi publiquement combien ils sont indésirables".

En envisageant la fermeture d’une discothèque qui avait refusé l’accès à des personnes trisomiques 21, la préfecture de Saint-Malo avait, elle, envisagé que ces personnes puissent être touchées par le rejet dont elles avaient été les victimes (cf. synthèse de presse du 04/09/06). Comment, dès lors, ne ressentiraient-elles pas "comme un déni l’invalidation même de leur vie" ?

Danielle Moyse conclut en dénonçant les "solutions radicales" qui prévalent partout, le "refus", "l’éradication", la "logique de l’élimination" de "ce qui nous dérange". Le vrai malaise réside dans l’utilisation de ces méthodes. Ne serait-il pas nécessaire de changer de logique ?

La Croix (Danielle Moyse) 30/01/07

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