Alors que le risque de trisomie est de plus en plus fréquent ( dû à l’augmentation des grossesses tardives ), le nombre d’enfant trisomique à naître est de moins en moins élevé. ” En quatre ans, les naissances d’enfants trisomiques ont été divisées par trois ” estime Françoise Muller (Hôpital Ambroise Paré, Boulogne) qui participe à l’étude mené par l’Inserm. En effet, d’environ 785 en 1990, le nombre d’enfants trisomiques 21 est passé à 620 en 1997 et chuté à 355 en 1999. Cette étude repose sur quatre registres régionaux de malformations congénitales ( Centre-est, Bouche du Rhône, Bas-Rhin et Paris) ce qui rend imparfait cet état des lieux.
Le dépistage de la trisomie est de plus en plus poussé. Jusqu’au milieu des années 80 il n’existait pas de système de dépistage. Puis l’amniocentèse a constitué une première étape en permettant un diagnostic sur les chromosomes fœtaux. Rappelons que cette technique entraîne une fausse couche dans au moins 1% des cas. Sachant que la trisomie touche un nouveau-né sur 700, Françoise Muller estime que ” si l’amniocentèse était généralisée, on causerait la mort de sept fœtus normaux pour un diagnostic de trisomie “.
Les marqueurs sanguins (surtout utilisés depuis 1997 qu’ils sont remboursés par la sécurité sociale) et les échographies de plus en plus précises (notamment avec la mesure de la clarté nucale) permettent un dépistage de 90 % des enfants trisomiques. Néanmoins, ces outils de dépistage sont loin d’être fiables à 100% et s’ ” ils peuvent faussement rassurer “, ils peuvent ” aussi faussement inquiéter “. Le Pr Yves Ville (hôpital de Poissy) regrette ” les marqueurs sont utiles mais on a un peu mis la charrue avant les bœufs. Le devoir d’information oblige les médecins à en parler, alors que beaucoup ne sont pas formés à leur utilisation ” et il ajoute “ c’est une politique de santé publique qui ne veut pas donner son nom “.
Plus de 3/4 des femmes acceptent le dépistage de la trisomie et en cas de trisomie 95% avortent.
En 1993, le CCNE s’était prononcé contre ” un dépistage de masse de la trisomie, qu’il soit direct ou recoure à des dosages biologiques ” (consultez l’avis 37 du CCNE).
Beaucoup de questions éthiques très graves sont ici soulevées. Que penser d’une politique de santé publique qui propose une généralisation du dépistage sans avoir une pensée pour l’aide médicale et pour la recherche que ces enfants trisomique 21 sont en droit de demander ? Comment ne pas s’inquiéter de ce dépistage systématique qui ne laissera aucune place à la personne trisomique 21 dans notre société, ni aucun espoir à la recherche ? (ndlr)
Libération (Sandrine Cabut) 11/01/02