Transhumanisme : “Le vrai danger pour l’avenir de l’homme est la marchandisation de la vie”

Publié le 1 Déc, 2017

Dans une interview accordée au Figaro, Jean-Marie le Méné[1], président de la Fondation Lejeune, et Laurent Alexandre[2], chirurgien et neurobiologiste opposent leur vision de l’homme et de son avenir. Si Laurent Alexandre estime que les robots vont supplanter les êtres humains, pour Jean-Marie Le Méné « aucun logiciel ne pourra jamais imiter la complexité de l’âme humaine. Le vrai danger pour l’avenir de l’homme est la marchandisation de la vie ».

 

Pour Laurent Alexandre, « le triomphe de l’IA » est « inéluctable ». Ce qui implique de « construire une nouvelle morale ». Un pari audacieux parce que « l’IA accélère le temps, bouscule les repères, pousse à l’eugénisme et à la neuro-technologie. Elon Musk pense que l’IA peut concurrencer l’intelligence humaine et se retourner contre l’homme d’ici une dizaine d’années seulement. Cela justifie, à ses yeux, de mettre des micro-processeurs dans le cerveau de nos enfants. L’IA nous fait entrer dans une guerre de intelligences que l’on ne contrôle pas ». Jean-Marie Le Méné, quant à lui, « ne croit pas au caractère inéluctable » des évolutions à venir. « Sur le plan idéologique, ce sont des géants aux pieds d’argile. Le Pacs contre nature entre scientisme et marché est une idéologie qui va s’effondrer ». Il ajoute : « Je n’ai pas de solution miracle, on ne peut pas revenir sur des dizaines d’années de néant philosophique, de déconstructivisme intellectuel. On est passé du théo-centrisme, à l’anthropo-centrisme, au bio-centrisme, puis aujourd’hui au techno-centrisme : l’homme n’est plus rien et le transhumanisme prospère sur ce vide. (…) Mais dire que l’homme doit être réparé pour être ‘sauvé’, c’est considérer qu’il y a une solution technique à la folie des hommes. Ce qui est faux ».

 

Si l’IA met le monde du travail au défi, Laurent Alexandre considère que la technologie remplaçant «le cerveau humain, à court terme, les gens les moins doués vont être le plus bousculés, les tensions sociales vont devenir immense ». Mais pour Jean-Marie Le Méné, « comme dans toute révolution technologique et scientifique rapide, il va y avoir de grands bouleversements. Ce n’est pas la première fois, et ce n’est pas choquant. (…) Le vrai problème, c’est la marchandisation de la vie. La vie est devenue une mine à exploiter. La conséquence ? L’homme est en miettes. Et le transhumanisme ajoute : il est en miettes, mais ses miettes valent de l’or. Le transhumanisme est un esclavage moderne qui vend l’homme, non plus sur pied, mais en pièces détachées. (…) Cette marchandisation fait des victimes. Faute d’être capables de fabriquer des hommes augmentés, nous supprimons déjà des hommes diminués ». De fait, « le transhumanisme sera eugéniste par la sélection et la modification embryonnaire. Les transhumanistes souhaitent la création de superbébés capables de résister à l’IA. Ils veulent aussi guérir la trisomie 21. Oui, les transhumanistes sont eugénistes », note Laurent Alexandre, confirmé par les propos de Jean-Marie Le Méné : « L’eugénisme négatif est déjà en place dans la PMA, qui élimine les mauvais embryons, et on va aller beaucoup plus loin, puisqu’on commence à créer des embryons à trois ADN ».

 

Ces enjeux réclament « une régulation mondiale », pour éviter, selon Laurent Alexandre, d’ « assister à un nomadisme transhumaniste ». Mais Jean-Marie Le Méné s’interroge sur les capacités de résistance du législateur aux nouvelles technologies qui risque « de tout accepter au nom du progrès technique », trop vite assimilé « au progrès moral ».

 

[1] Auteur de Les premières victimes du transhumanisme, Editions Pierre-Guillaume de Roux.

[2] Auteur de La guerre des intelligences, Editions JC Lattès.

Le Figaro Magazine, Alexandre Devecchio et Aziliz Le Corre (01/12/2017)

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