Thérapie cellulaire contre le diabète : les CSEh sous les projecteurs, les iPS passées sous silence

Publié le 2 Juil, 2025

« L’immense espoir », « prouesse » : le 26 juin dernier, les résultats de l’essai de thérapie cellulaire de Vertex Pharmaceuticals faisaient la une du Parisien (cf. Diabète de type 1 : Vertex publie les résultats d’un traitement utilisant des cellules souches embryonnaires).

« Fait du jour », édito, témoin, schéma explicatif, dessin humoristique, les projecteurs sont braqués sur ce potentiel traitement contre le diabète développé à partir de cellules souches embryonnaires humaines (CSEh). La recherche médicale serait « au seuil d’une avancée considérable », « ouvrant une nouvelle voie dans cet Everest médical invaincu » [1].

Les superlatifs ne manquent pas. L’analyse éthique est, elle, réduite comme une peau de chagrin. « Le prélèvement d’une cellule souche n’étant pas anodin, concède l’éditorialiste, un débat bioéthique fort utile a progressivement dessiné des règles autour de cette recherche pas comme les autres ». Traduire : le prélèvement de cellules souches embryonnaires conduit à la destruction des embryons dont elles sont issues, et depuis la dernière loi de bioéthique, ces recherches ne sont plus soumises à autorisation. Une simple déclaration est désormais seulement nécessaire (cf. 30 ans de lois de bioéthique : « changeons la règle pour rester en règle »).

Une première qui n’en est pas véritablement une

Il est vrai que jusqu’ici, malgré de nombreuses années de recherches acharnées, les cellules souches embryonnaires n’avaient abouti à aucun traitement. Seuls quelques résultats pour la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) avaient pu être obtenus (cf. DMLA : Résultats d’essais à base de cellules souches embryonnaires humaines).

Mais la réussite d’une thérapie cellulaire contre le diabète n’est, elle, pas une première. En effet, il y a plus d’un an, des médecins chinois communiquaient sur la guérison d’un patient diabétique grâce à des souches pluripotentes induites (iPS [2]) (cf. Diabète : un patient guéri grâce à une thérapie cellulaire basée sur des iPS). Après l’administration de la thérapie cellulaire, l’homme de 59 ans, qui souffrait d’un diabète de type 2 depuis 25 ans, ne prenait plus d’insuline depuis 33 mois.

Au mois de septembre dernier, d’autres travaux rapportaient le cas d’une jeune femme de 25 ans atteinte de diabète de type 1 ayant commencé à produire sa propre insuline « moins de trois mois » après avoir reçu une greffe de cellules souches reprogrammées (cf. iPS : une jeune femme diabétique produit sa propre insuline). Deux autres patients ont reçu le même traitement avec des résultats « également très positifs » d’après les chercheurs.

Et, au mois d’avril, l’hôpital universitaire de Kyoto réussissait à transplanter des « feuilles de cellules pancréatiques » fabriquées à partir de cellules iPS chez un patient atteint de diabète de type 1. L’hôpital prévoyait d’opérer un deuxième patient mais les résultats de l’essai ne sont pas encore disponibles (cf. iPS : des cellules pancréatiques implantées chez un patient diabétique).

Faire primer la rentabilité sur l’éthique ?

Ces multiples travaux, tous prometteurs, n’ont pourtant pas bénéficié de la même couverture médiatique que ceux de Vertex. Bien sûr ces résultats restent à consolider sur un plus grand nombre de patients, tout comme doivent l’être ceux des dix patients sur douze de l’essai de Vertex. Le Parisien a d’ailleurs omis de préciser que les deux patients non mentionnés sont décédés, sans lien avec le traitement assure l’entreprise.

Dès lors pourquoi ne pas relayer largement ces autres « prouesses » médicales qui suscitent un « immense espoir » ? D’autant plus que les cellules iPS pouvant être issues du patient lui-même, elles pourraient éviter le recours à un traitement immunosuppresseur (cf. Greffe d’organe : le quotidien à risque des immunodéprimés). Et, bien sûr, leur utilisation ne conduit pas à détruire des embryons humains.

Mais les cellules iPS sont « difficiles à mettre à l’échelle et à commercialiser » (cf. Diabète et cellules souches embryonnaires humaines : un essai clinique non concluant). Autrement dit, elles coûtent cher, quand les embryons « surnuméraires » issus de fécondations in vitro sont disponibles, « sur étagère ». Une source « en théorie illimitée », se réjouit le professeur François Pattou du CHU de Lille [3].

La rentabilité prévaudrait-elle sur la dignité de l’être humain ?

 

[1] Le Parisien, Guérir du diabète, un rêve bientôt réalité ?, Véronique Hunsinger (26/06/2025)
[2] Cellules reprogrammées à l’état de pluripotence (semblable à celui des CSEh) à partir de cellules adultes, qui ne soulèvent pas de problème éthique fondamental, contrairement aux cellules souches embryonnaires humaines
[3] Le Parisien, édito de Tanguy de l’Espinay (26/06/2025)

Photo : iStock

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