Une enquête de la RTS révèle des failles en matière de gestion du pentobarbital en Suisse romande, où « tout est basé sur la confiance accordée aux accompagnateurs de l’association Exit »[1]. Selon la directive des pharmaciens cantonaux, « les doses létales devraient être conservées sous clé et retournées en officine en cas de non-utilisation ». Or, « une fois que les doses sont remises sur ordonnance, la majorité des cantons romands perdent leur trace et n’ont pas de moyen de vérifier si elles ont été effectivement utilisées » (cf. Australie : un homme utilise les substances létales prescrites à son épouse).
Deux doses détruites en 18 ans dans le canton de Fribourg
Alors qu’un « lanceur d’alerte » affirme à la RTS que des flacons « se promènent dans la nature, comme autant d’armes non déclarées », aucun des pharmaciens cantonaux contacté par le média « n’a été en mesure de fournir de chiffres précis concernant la distribution et l’éventuelle destruction de ce produit ». « Je délivre le produit, mais après je ne vais pas regarder les annonces nécrologiques pour vérifier si la personne est bien décédée », confesse une pharmacienne sous couvert d’anonymat.
En fonction du canton, la police considère qu’il revient aux associations d’aide au suicide de détruire « le pentobarbital restant ou les éventuelles doses de réserve » ou qu’il appartient aux médecins de « gérer la substance ».
Le canton de Fribourg a été le seul à transmettre des données chiffrées à la RTS, indiquant que « seules deux doses ont été détruites » en 18 ans. L’enquête a révélé que de nombreux sites sur le dark web proposent du pentobarbital originaire de Suisse (cf. Une dizaine de militants pro-euthanasie interpellés en France).
Des « bénévoles » rémunérés ?
André Baechler qui a été « accompagnateur » pendant huit ans au sein d’Exit, affirme qu’« environ un décès sur 15 surviendrait de manière naturelle avant la date fixée et alors que la dose a déjà été récupérée en pharmacie ». Il assure avoir toujours rapporté la dose en pharmacie sans pouvoir confirmer que toutes les doses ont bien été détruites. « Contactée, l’association Exit A.D.M.D Suisse romande a refusé de répondre à la RTS, invoquant une affaire en cours au tribunal. »
Alors que l’organisation assure sur son site que l’« accompagnement au suicide assisté » est une « activité “bénévole” » des documents montrent le versement d’une « somme forfaitaire de 350 francs[2] minimum » pour chaque « accompagnement ». En un an, certains bénévoles ont reçu plus de 23 000 francs[3] de défraiement. Des montants qui « posent la question de la motivation des accompagnateurs ». « On ne voudrait pas des personnes qui se mettent à vouloir faire du chiffre dans ce domaine-là », alerte Samia Hurst, bioéthicienne et médecin, « préoccupée par ces montants ».
[1] Enquête : la face cachée du suicide assisté en Suisse, Vraiment, le 9 février 2025
[2] Environ 365 euros
[3] Environ 24 000 euros
Source : RTS, Cécile Tran-Tien et Sébastien Bourquin (12/02/2025)