Danielle Moyse, docteur en philosophie et chercheuse au CNRS, consacre une chronique dans La Croix à la question de la fécondité.
Faisant état du poids – parfois démesuré – que l’on accorde au désir d’enfant, elle s’interroge : "L’enfant est-il désormais le seul ‘objet de désir’ dont il soit absolument impossible de faire le deuil ? Et quel poids faisons-nous alors porter aux enfants pour qu’ils soient devenus des êtres dont la naissance constitue presque pour leurs parents une question de vie ou de mort ?" Les enjeux de telles questions résident dans les égarements des filières de l’adoption jusque dans l’éventualité d’une dépénalisation de la "gestation pour autrui". Car si le désir d’enfant est si impérieux qu’il en devient un droit, le statut de l’enfant évolue au point "de faire tomber l’être humain en général dans le circuit des ‘valeurs d’échange’".
Face au paradoxe d’une société qui veut compenser coûte que coûte la stérilité tout en la produisant par ailleurs avec une intensité croissante (voir les chiffres alarmants de la chute du nombre de spermatozoïdes), Danielle Moyse plaide donc pour la redécouverte d’une autre fécondité : celle de toute oeuvre de l’esprit capable d’accomplir l’humanité. Cette défense du sens plein de la fécondité, qui ne se réduit pas à la seule reproduction, s’achève sur une hypothèse audacieuse : alors que l’homme est profondément corps et esprit, la prise en compte de la fécondité humaine dans la pluralité de ses dimensions pourrait bien apporter une solution à la stérilité car "de même que les animaux cessent de se perpétuer en certaines conditions de captivité, de même l’homme peut arrêter de se perpétuer en des circonstances qui menacent la spécificité de son être".
La Croix (Danielle Moyse) 15/09/09