Stérilisation : quel choix pour les personnes handicapées mentales ?

Publié le 27 Mar, 2001

En juillet 1999, Martine Aubry, alors ministre en charge des Affaires Sociales, proposait quelques aménagements à la loi de 1975 sur l’avortement. Progressivement, le gouvernement a élargi le cadre de la réforme jusqu’à y inclure deux articles sur la pratique de la stérilisation. Le 5 décembre 2000, l’Assemblée Nationale adoptait, en première lecture, un texte qui portait le délai légal d’IVG de 10 à 12 semaines et dépénalisait la pratique de la stérilisation. Ce texte est discuté aujourd’hui devant le Sénat.

Jusqu’en juillet 1999 le code civil disposait « qu’il ne peut être porté atteinte à l’intégrité physique du corps humain qu ‘en cas de nécessité thérapeutique pour la personne ». Malgré la modification de cette loi, les gynécologues réclament un texte qui dépénalise sans ambiguïté cette pratique. Or la stérilisation ne va pas de soi car il s’agit d’une intervention très délicate et difficilement réversible. 

Par ailleurs, une proposition de loi sur la stérilisation des personnes handicapées suscite de nombreuses réticences. A l’occasion de la discussion des lois sur l’IVG, le gouvernement a voulu revenir sur la stérilisation des personnes handicapées. Il a donc proposé un texte qui a été adopté à l’Assemblée Nationale le 5 décembre dernier.

 

Le projet de loi prévoit qu’une personne handicapée mentale ne peut être stérilisée que « s’il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en œuvre efficacement ». Le consentement de la personne « doit être systématiquement recherché et pris en compte après que lui ait été donné une information adaptée à son degré de compréhension. L’intervention est subordonnée à une décision du juge des tutelles, qui se prononce après avoir entendu les parents ou le représentant légal de la personne concernée (…) et après avoir recueilli l’avis d’un comité d’experts ».

Cette proposition de loi est loin de faire l’unanimité et pour plusieurs raisons. D’abord elle est née sans aucun débat public, ce que dénonce de nombreuses associations. Un collectif d’associations (dont l’Office Chrétiens des Handicapés, l’Arche de Jean Vanier,…) s’alarme : « on ne peut comprendre qu’une question aussi grave ait pu être voté sans débat public, selon une procédure particulièrement accélérée et d’autant plus critiquable que ce dispositif voté se trouve en contradiction patente avec l’évolution la plus récente de la législation et des principes concernant les personnes handicapées ».

 

Par ailleurs, le texte de loi fait l’impasse sur la consultation des personnes handicapées elles-mêmes en cas de stérilisation puisque leur consentement n’est requis que « dans la mesure du possible ». Le législateur envisagerait donc de rendre possible la stérilisation sans consentement des personnes handicapées. Les personnes concernées sont « handicapées mentales », or ce terme très vague ne prend pas en compte la diversité des handicaps mentaux et la frontière très floue qui existe avec la désadaptation sociale. La question grave de la sexualité des handicapés n’est pas abordée.

 

De son côté Jean Foyer, de l’Institut, prévient que « si le Sénat adopte aujourd’hui un projet voté par l’Assemblée nationale, la stérilisation à la demande sera justifiée et le stérilisation forcée sera introduite dans le droit français ». Il se demande si c’est bien le rôle d’un magistrat de prendre une telle décision et s’inquiète de cette proposition de loi qui introduit l’eugénisme dans le droit français.

 

Pour Jean Foyer, cette loi « irait à l’encontre de tout le mouvement législatif de la Vème République qui, à la suite du rapport Bloch-Lainé, a tendu à restaurer l’éminente dignité des personnes handicapées dans la société française ».

La Croix 27.03.01 Le Figaro 27.03.01

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