Soins palliatifs : un hémicycle presque vide achève l’examen de la proposition de loi

17 Mai, 2025

Vendredi 16 mai, les députés ont terminé l’examen la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs au terme d’un débat ayant révélé la tension avec le texte sur l’« aide à mourir ».

Maintenir l’« étanchéité » entre les deux textes

La séance de la matinée s’ouvre par un rappel au règlement de René Pilato (LFI-NFP). « Afin de montrer notre bonne foi », il suggère à la ministre Catherine Vautrin de proposer un amendement pour que la formation à l’« aide à mourir » soit exclusivement évoquée dans le second texte. L’élu regrette que l’article 8 n’ait pas été voté mercredi (cf. « Prenez vos responsabilités ! » : le consensus sur les soins palliatifs préservé dans la douleur). La ministre confirme vouloir maintenir une « étanchéité » entre les deux propositions et se dit prête à travailler sur le sujet.

La question des maisons d’accompagnement ravive le débat lors de la discussion de l’article 10 (cf. Maisons d’accompagnement : le but lucratif est écarté, pas l’« aide à mourir »). Plusieurs députés redoutent qu’elles deviennent un lieu de mise en œuvre de l’« aide à mourir » et proposent des amendements pour éviter cet écueil. Ils sont rejetés. « Cet article 10 c’est le cheval de Troie de l’aide à mourir qui s’invite dans le texte » considère Christophe Bentz (Rassemblement National).

Objectif : tenir les délais

A plusieurs reprises la présidente de séance, Clémence Guetté (LFI-NFP), fait le point sur la vitesse d’examen du texte. « La conférence des présidents a fixé 25 amendements à l’heure pour tenir nos délais », rappelle-t-elle.

L’« aide à mourir » s’invite à nouveau dans le débat à l’article 11. Christophe Marion (Ensemble pour la République), dont l’adoption de l’amendement à l’article 8 a provoqué la suppression de l’article dans son intégralité, entendait réitérer. Son amendement (555) vise à ajouter « des objectifs relatifs à la formation de leurs personnels à l’aide à mourir en sus de ceux relatifs à l’accompagnement et aux soins palliatifs » dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens des établissements de santé.

« Pour ma part je n’ai jamais pensé que ces deux textes devaient être étanches. Je m’oppose à la vision du gouvernement sur ce point. Reconnaissez-moi au moins une certaine cohérence », se défend le député. « Quand je vois les débats que nous avons eus ce matin sur l’article 10 et les amendements d’un certain nombre de collègues visant à éviter qu’on puisse pratiquer l’aide à mourir dans les maisons d’accompagnement, je me dis que la notion d’étanchéité est extrêmement relative, poursuit-il. Malgré cela pour faire preuve de bonne volonté, pour garder le caractère serein de nos échanges, je vais retirer mon amendement. » Des exclamations de contentement se font entendre, mais le débat n’est pas clos.

Habiliter certaines associations pour « dissiper toute ambiguïté » ?

Le débat reprend en effet à l’article 13 qui aborde l’intervention des bénévoles. Patrick Hetzel (Droite Républicaine) défend un amendement (151) afin que les associations soient « habilitées à intervenir en matière de soins palliatifs ». L’amendement similaire (417) de Sandrine Dogor-Such (Rassemblement national) vise à « dissiper toute ambiguïté ». Pour le rapporteur François Gernigon (Horizons et Indépendants), comme pour le ministre Yannick Neuder, « il n’y a pas d’ambiguïté » : ils émettent un avis défavorable.

Stéphane Delautrette (Socialistes et apparentés) s’agace : « Ne laissez pas entendre que les associations qui seraient favorables à l’aide à mourir n’accompagneraient pas correctement les personnes en fin de vie et feraient la promotion l’aide à mourir ! C’est scandaleux d’entendre ce type de propos. » Mais Christophe Bentz réplique : « Chers collègues, on sait très bien ce qui se passe. Vous savez que l’on sait et on sait que vous savez. (…) On vous l’a dit à l’article 8 sur la formation, on vous l’a dit à l’article 10 sur les maisons d’accompagnement, on vous le redit ici sur la question des bénévoles. En fait ce que l’on vous dit, pour prendre encore une image, c’est que l’aide à mourir, le suicide assisté, il déborde dans ce texte-là, dès ce texte-là ». Le ton monte dans un hémicycle pourtant quasi-vide. Les amendements seront finalement rejetés.

A la mi-journée la présidente de séance est satisfaite : « Je vous informe que nous avons amélioré notre rythme. Il nous reste 216 amendements avec du 29 à l’heure ce qui est tout à fait correct ».

Les directives anticipées en débat

La séance reprend à 15h sur un rythme très rapide, ce qui est dénoncé à plusieurs reprises par les députés qui peinent parfois à comprendre l’enchaînement des amendements et la cohérence des articles. Après quelques amendements à peine discutés, l’article 14 est adopté à l’unanimité.

Les discussions sur l’article 15 durent en revanche plus d’une heure sur un sujet délicat : celui des directives anticipées. La question de leur format fait d’abord débat, puis Thibault Bazin (Droite Républicaine) permet de préciser dans son amendement 500 que, si plusieurs directives anticipées existent, la plus récente prévaut.

Les députés Thibault Bazin et Corentin Le Fur (Droite Républicaine) proposent de supprimer la mention d’altération « grave » des facultés cognitives : la seule altération des facultés cognitives doit être un obstacle à la rédaction de directives anticipées sans autorisation du juge des tutelles. Il s’agit de protéger contre les abus de faiblesse. Les amendements 106 et 329 sont adoptés.

La question est ensuite de savoir qui aura accès au dossier médical partagé du malade (sur mon espace santé) : un proche ? La personne de confiance ? Le tuteur ? De nombreux amendements sont déposés pour limiter l’accès et les actions possibles par la personne qui y aura accès. C’est finalement l’amendement 804 du gouvernement qui est adopté. Il vise à limiter l’étendue des actions possibles du délégataire : ajouter un documentaire nécessaire, mais ni modifier, ni supprimer des documents ou des données.

Patrick Hetzel tente, avec l’amendement 181, d’exclure toute demande d’« aide à mourir » dans les directives anticipées. En vain. L’article 15 est adopté à l’unanimité.

Un consensus autour de la personne de confiance

L’article 16, qui vise à faciliter l’intervention de la personne de confiance dans la procédure collégiale, est adopté sans débat de fond important – la plupart des groupes partageant cette volonté.

L’amendement 69 des députés socialistes et apparentés visant à « conditionner à l’accord préalable du patient la participation de la personne de confiance et de la famille à la décision collégiale d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès » est toutefois adopté. Un article additionnel visant à faire de la sédation profonde et continue un droit, sur la base d’un amendement de Josiane Corneloup (Droite Républicaine), est, en revanche, supprimé.

L’article 17, consacré à la recherche du consentement dans le cas où le patient serait privé de la faculté de s’exprimer, suscite davantage de débat. Charles Sitzenstuhl (Ensemble pour la République), Thibault Bazin et plusieurs autres députés suggèrent de supprimer cet article. Ils sont rejoints en cela par Catherine Vautrin, qui constate que l’article n’était pas normatif, et la rapportrice Annie Vidal (Ensemble pour la République), qui le considérait comme « bavard ». Malgré cela, l’article 17 est lui aussi été adopté.

Des soins palliatifs dont on ne parle pas

L’article 18 demande l’organisation d’une campagne annuelle de communication « de sensibilisation et de prévention relative au deuil et aux soins palliatifs ». Patrick Hetzel fait remarquer que cet article met en lumière le fait que la loi organise les soins palliatifs depuis 20 ans, et que jamais une campagne de communication nationale ne les a fait connaître, ce qui prend un relief particulier au moment même où l’Assemblée s’apprête à débattre de l’euthanasie sans avoir donné toutes leurs chances aux soins palliatifs.

Thibault Bazin suggère de distinguer les problématiques de communication sur le deuil et sur les soins palliatifs pour éviter d’accréditer l’idée que ces derniers seraient associés à la mort. Son amendement est adopté, et l’article 18 ainsi modifié.

L’« aide à mourir » s’invite encore dans le débat, sur la sédation profonde et continue

Les députés arrivent à l’article 19 qui encadre la traçabilité de la sédation profonde et continue. Pour Charles Sitzenstuhl, il est scandaleux de légiférer sur l’euthanasie alors que le Parlement ne dispose à ce jour d’aucune donnée sur la sédation profonde et continue. Patrick Hetzel s’inquiète de son côté de la possibilité d’utiliser certains amendements à cet article pour faire un pont avec le texte sur l’« aide à mourir », comme s’il existait un continuum entre soins palliatifs et euthanasie.

L’article 19 est néanmoins adopté lui-aussi. Le débat se poursuit. L’article 20 ayant été supprimé en commission, les députés se penchent sur le 20 bis, prévoyant de modifier en Conseil d’Etat le statut de la nutrition et de l’hydratation, assimilées à des soins par le Code de la santé publique. L’article est supprimé.

L’article 20 ter, prévoyant l’établissement d’un guide des bonnes pratiques en matière de refus de l’obstination déraisonnable, est lui aussi supprimé au motif qu’il est déjà satisfait par ailleurs.

Pas de « délit d’entrave » aux soins palliatifs

Vient ensuite l’examen de l’article 20 quater qui prévoit de mettre les patients de soins palliatifs en lien avec des biographes hospitaliers.

Cyrille Isaac-Sibille (Les Démocrates) propose un amendement à cet article prévoyant un délit parallèle au délit d’entrave pour l’euthanasie : le délit de décourager l’accès aux soins palliatifs, mais cet amendement est rejeté. L’article 20 quater est, lui, adopté.

La séance est suspendue pour le dîner : il reste seulement 28 amendements à examiner par les députés sur les 800 initialement soumis.

Le titre de la proposition de loi modifié

Après la suppression de l’article 21, le dernier du texte, suite à un amendement du Gouvernement, le titre de la proposition de loi est modifié par l’amendement 194 de Yannick Monnet (Gauche Démocrate et Républicaine). L’hémicycle est presque vide. Annie Vidal remercie les quelques députés présents pour cette « belle discussion ». La proposition de loi « visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs » fera l’objet d’un vote solennel mardi 27 mai, après les questions au Gouvernement.

Il n’est pas encore minuit, les députés poursuivent désormais leurs travaux avec le « droit à l’aide à mourir ».

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