Soins palliatifs et fin de vie : Une interne au quotidien

Publié le 24 Fév, 2015

Prenant acte du retard enregistré par la France en matière de soins palliatifs (Cf. Gènéthique vous informe du 23 février 2015), une interne de Santé Publique des Hospices Civils de Lyon, Anne-Claire Rosati, met en évidence les limites de la mort à l’hôpital et souligne la nécessité d’élargir la proposition en soins palliatifs. Elle témoigne aussi de son expérience et de ses attentes comme futur médecin confrontée à la fin de vie.

 

Dans son rapport annuel, publié le 11 février 2015, la Cour des Comptes a notamment évalué la prise en charge des patients en fin de vie, en reprenant les données du bilan très mitigé du programme national de développement des soins palliatifs 2008-2012. Deux axes importants ressortent du rapport : le développement des soins palliatifs à domicile, et la nécessité d’amélioration de la formation des soignants.

 

A domicile : quelles solutions sont proposées?

 

Le développement des soins palliatifs est pour l’instant resté prioritairement centré sur l’hôpital. En 2013, les trois-quarts des dépenses d’assurance-maladie relatives aux prises en charges palliatives sont concentrés sur le court séjour hospitalier (60% des français meurent actuellement à l’hôpital). Cette réponse n’est pas adaptée d’une part à la demande des français (81% souhaitent mourir chez eux), et d’autre part à l’incapacité des hôpitaux à prendre en charge dans de bonnes conditions un nombre si important de patients en fin de vie.

 

Les pistes d’amélioration proposées sont notamment le développement de l’hospitalisation à domicile, et de la médicalisation des EHPAD et des établissements médico-sociaux, avec, par exemple, la présence d’une infirmière de nuit  qui permettrait une continuité des soins avec les équipes mobiles de soins palliatifs et éviterait des hospitalisations « intempestives ».

 

A l’hôpital, il n’est pas rare, lors d’une garde aux urgences, de voir les pompiers amener un patient qui va mourir dans les heures suivant son admission. On essaie alors, dans la mesure du possible, de lui trouver une chambre individuelle, la plus retirée possible de l’agitation des urgences ou du service d’hospitalisation aigüe, où sa famille pourra lui rendre visite. Mais cette situation n’est pas idéale, les services d’urgence et d’hospitalisation de courte durée n’ayant pas une organisation propice à la prise en charge de la fin de vie.

 

Lorsque la fin de vie se prolonge, les personnes aidantes, les proches, nous confient qu’ils sont parfois dans des situations d’épuisement, qui nécessitent quelques jours de répit. Aussi, il est important de soutenir les aidants qui permettront le maintien à domicile. L’expérimentation du plan de développement 2008-2012 sur les « maisons d’accompagnement » qui devait répondre à ce problème, n’a malheureusement pas été concluante.

 

La formation aux soins palliatifs, vue par une interne en médecine

 

Le développement de la formation continue aux soins palliatifs des médecins et soignants est nécessaire à l’amélioration de la qualité des soins. Mais pour préparer la qualité des soins de demain, la formation initiale doit, elle aussi, être améliorée.

 

Les études de médecine préparent mal à la prise en charge des patients en fin de vie. Les quelques cours qui sont dispensés en premier cycle restent très théoriques. A ce stade des études, sans avoir commencé les stages hospitaliers, nous nous sentons encore peu concernés par le sujet.

 

En deuxième cycle des études, l’enseignement des soins palliatifs fait partie du module 6 des épreuves « classantes » nationales (i.e. le concours de l’internat). Pour bien réussir, nous devons apprendre les bons mots-clés « soulager la douleur », « prise en charge multidisciplinaire », « soins de support », « sédation », « information et consentement du patient »… mais cet apprentissage reste très éloigné de notre exercice futur. Seul un stage dans un service de soins palliatifs, permet d’apprendre en observant.

 

C’est une fois que nous sommes internes et que nous sommes confrontés à un patient en fin de vie que nous mesurons l’ampleur des manques dans notre formation. On se sent très démuni lorsqu’on est appelé en pleine nuit dans un service que l’on ne connaît pas, par une infirmière qui est parfois encore plus jeune que nous, auprès d’un patient qui souffre, qui respire difficilement et qui va visiblement mourir dans les heures ou les jours qui viennent. Que prescrire? A quelle moment mettre en place la sédation[1] et à quelle dose, si les antalgiques ne suffisent pas ? Comment informer le patient ? Les questions se bousculent mais l’interne doit réagir rapidement.

 

Des diplômes en soins palliatifs existent déjà pour la formation des internes et la formation continue des médecins. Ces diplômes permettent d’effectuer un ou plusieurs stages en unité de soins palliatifs, et associent à l’enseignement théorique, la formation concrète auprès du patient. Cependant, ces diplômes sont optionnels, et viennent en plus des stages et des cours obligatoires de spécialité des internes.

 

Le Collège National des Enseignants Universitaires de la Douleur réfléchit actuellement sur l’instauration d’un module d’enseignement pour les internes de toutes les spécialités. Un autre moyen d’amélioration en cours d’expérimentation serait d’intégrer la formation initiale aux soins palliatifs à une formation beaucoup  plus large aux sciences humaines, à partir du vécu des stages hospitaliers au cours du deuxième cycle. Les étudiants seraient alors amenés à vivre, puis à analyser avec l’aide d’un « guideur », un certain nombre de situations relationnelles, éthiques, et éducationnelles (analyse en temps réel, commentaires sur portfolio, mise à disposition informatique de documents…).

 

Anne-Claire Rosati

Interne en médecine

Hospices Civils de Lyon

 

[1] Note Gènéthique au sujet de la sédation : cf. Gènéthique vous informe : La sédation, une aide pour accompagner la fin de vie ou un instrument pour y mettre un terme ?

 

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