Dans une tribune pour le journal Marianne, Claire Fourcade, la présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) appelle à « cesser d’utiliser la fin de vie comme un marqueur politique ».
24 mois de débats, « une interminable épreuve »
« De consultations en conventions, de rapports en réunions et d’hésitations en tergiversations », au cours de ces 24 mois de débat, « nous avons connu des moments intéressants, où la conversation publique donna lieu à de saines controverses, à des désaccords, mais aussi à des consensus et à des constats partagés, notamment sur l’extrême faiblesse de notre système de prise en charge des personnes en fin de vie et la nécessité d’une véritable politique publique de développement des soins palliatifs », rappelle le médecin.
« Mais plus loin du VIIe arrondissement, sur le terrain des soignants, dans les unités de soins palliatifs, au sein des équipes de gériatrie, d’hospitalisation à domicile, chez les infirmières, les psychiatres, les aides-soignantes, ces 24 mois ont surtout été vécus comme une interminable épreuve », témoigne-t-elle.
Jamais la question de la « liberté concrète d’être soigné » n’a été « réellement posée »
« Epreuve d’assister à des débats abstraits sur un sujet qui est notre quotidien. Epreuve de voir une réflexion engagée sur la base de quelques cas, lorsqu’au quotidien, des milliers de personnes finissent leur vie insuffisamment soignées, soulagées, accompagnées et reconnues, énumère Claire Fourcade. Epreuve enfin de voir la parole de nombreux soignants, mais aussi de nombreux patients souvent invisibilisés, comme si en matière de soin l’idéologie pouvait l’emporter sur le réel, et in fine la liberté l’emporter sur la fraternité, sans que jamais la question de la liberté concrète d’être soigné soit réellement posée. »
Désormais, dans un contexte de grande « confusion politique », et alors que pointe « la menace d’une crise budgétaire historique et d’une crise du service publique sans précédent notamment dans le monde de la Santé », des voix s’élèvent à nouveau « pour réclamer le retour de la séquence fin de vie » « au motif que cette loi serait un des seuls textes susceptibles de rassembler une coalition », dénonce la présidente de la SFAP (cf. Fin de vie : l’« obstination déraisonnable » d’Olivier Falorni).
« Nous ne soignons pas avec des mots ou avec des lois. »
« Aujourd’hui, où est l’urgence ? », interroge le médecin. « Soignants de soins palliatifs, nous demandons à nos représentants politiques d’en finir avec la séquence fin de vie. Notre travail n’est pas une séquence », interpelle-t-elle. « La prise en charge de nos concitoyens à l’approche de la mort n’est pas une séquence. Les lois bioéthiques ne sont pas des outils politiques destinés à servir des configurations électorales impossibles. »
« Soignants de soins palliatifs, nous savons aussi que 150 000 personnes seulement chaque année ont accès à nos services quand 300 000 en auraient besoin, comme l’a confirmé récemment la Cour des comptes », rappelle Claire Fourcade. Or, « loin des promesses récentes, des unités de soins palliatifs continuent de fermer en France » (cf. Soins palliatifs : l’unité de Houdan ferme « temporairement » faute de médecin ; « On ne peut pas développer tout un discours sur les soins palliatifs et fermer une unité »).
« Mesdames et messieurs les députés et les ministres, trouvez une coalition pour que chaque personne nécessitant des soins puisse y avoir enfin accès », enjoint la présidente de la SFAP. « Nous ne soignons pas avec des mots ou avec des lois. Nous demandons que le service public de la santé tienne sa promesse de non-abandon auprès de tous les citoyens et que les soins palliatifs soient enfin accessibles partout et pour tous. »
Source : Marianne, Claire Fourcade (18/09/2024) – Photo : iStock