« Je n’ai pas de demande d’euthanasie, les patients que je rencontre à Saint-Denis demandent à vivre, ils demandent à être soulagés, ils ne demandent pas à mourir », témoigne Sara Piazza, psychologue en soins palliatifs et en réanimation au centre hospitalier de Saint-Denis. « En 22 ans de pratique, sur 12.000 patients, je n’ai été confrontée qu’à trois demandes d’euthanasies persistantes », abonde le Dr Claire Fourcade, médecin et présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap).
Même constat du côté de Xavier, infirmier en soins palliatifs et auteur de bandes dessinées (cf. A la vie !). « Quand on arrive à agir sur les fondements de cette demande de mort, principalement la douleur, la souffrance morale, le fait de se voir décliner et de devenir une charge pour son entourage, je fais le constat que dans 90% des cas cette demande décroît, voire disparaît. »
Face à la souffrance, accompagner la vie
« Dans notre unité de soins palliatifs, on est assez raccord sur la question, affirme le soignant. Notre mission à nous, les infirmiers et les infirmières, c’est de soigner et d’accompagner, pas de donner la mort. » « La mort n’a jamais été et ne sera jamais une réponse digne à la souffrance humaine, soutient-il. Je ne crois pas en une médecine dont le rôle tiendrait à déterminer qui est éligible ou non à mourir. »
Cette position serait « intenable » pour les soignants, estime Sara Piazza. « Si on légalise l’euthanasie, cela fera exploser le monde du soin », assure la psychologue. D’ailleurs, « la majorité des professionnels de soins palliatifs a affirmé en 2021 qu’ils refuseraient de pratiquer des euthanasies », rappelle-t-elle.
Une réflexion éthique « indépendante »
Suite à l’avis du CCNE (cf. Avis du CCNE : en marche vers l'”aide active à mourir” ?), neuf sociétés savantes, organisations professionnelles et associations « représentantes des soignants engagés quotidiennement dans l’accompagnement et les soins auprès des personnes en fin de vie » [1] ont décidé de se saisir « d’une réflexion éthique et pratique indépendante ». En se fondant « sur des principes de solidarité inconditionnelle vis-à-vis des patients, nos pratiques soignantes d’aujourd’hui s’inscrivent dans une déontologie et une éthique médicale collégiale claire, caractérisée par une longue continuité historique ». Une pratique menacée par « le changement de paradigme envisagé par le CCNE ».
« Tous mes patients me disent qu’ils ont peur d’être un poids pour leurs proches et pour la société, mais aucun ne me parle d’euthanasie », explique Sara Piazza. « Que va-t-on dire aux gens ? “Vous craignez d’être un poids, mais vous pouvez faire le choix de ne pas en être un” ? » Face à la vieillesse, à la maladie, au handicap, la soignante affirme que la question est « comment peut-on vivre dans la dignité ? ».
[1] SFAP : Société française d’accompagnement et de soins palliatifs
MCOOR : Association nationale des médecins coordonnateurs en Ehpad et du médico-social ;
CNPI : Collège national professionnel infirmier
AFSOS : Association francophone pour les soins oncologiques de support
FNEHAD : Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile
UNICANCER : Fédération des centres de lutte contre le cancer ;
2SPP : Société française de soins palliatifs pédiatriques
ANFIIDE : Association Nationale Française des Infirmières et Infirmiers diplômés et Étudiants
ARSLA : Association pour la recherche sur la SLA
Sources : SFAP (13/09/2022) ; France Info (13/09/2022) ; Le Journal du dimanche, Lou Roméo (13/09/2022) ; Aleteia, Claire Fourcade (13/09/2022)