Scandale du clonage humain en Corée du sud : vers une ère post-clonage ?

Publié le 30 Nov, 2005

Clonage : l’annonce spectaculaire

 

En mai 2005, le Pr Hwang Woo-Suk annonce avoir obtenu 11 lignées de cellules embryonnaires humaines par clonage. La communauté scientifique est saisie par le rendement obtenu. Alors qu’en 2004, il avait fallu 230 essais pour obtenir 1 lignée, le Pr Hwang en 2005 explique qu’1 essai sur 15 suffit. Avec ses résultats il vise le prix Nobel de médecine et de physiologie. Le 10 octobre, au faîte de sa renommée internationale, il inaugure un consortium mondial sur les cellules embryonnaires humaines. En novembre, il doit être nommé “Homme de l’année 2005” au Théâtre des Folies Bergères à Paris. Mais la cérémonie et la conférence de presse sur “les vertus” du clonage humain, avec le Pr. Peschanski, militant actif pour la légalisation du clonage (1) et financé par le Téléthon, doivent être annulées car la rumeur enfle : le Pr Hwang est accusé de faute éthique.

 

Le scandale des ovocytes

 

On apprend que certains ovocytes nécessaires au clonage ont été prélevés sur des jeunes femmes travaillant sous son autorité et que d’autres ont été achetés. Si peu de commentateurs ont évoqué les problèmes éthiques liés à la création d’embryons par clonage, tous condamnent le coréen pour le mode d’obtention de ces ovocytes. Le 1er  scandale éclate. Suivi bientôt d’un autre.

 

Résultats falsifiés

 

La  revue scientifique Science, qui a publié les travaux du Pr. Hwang, dénonce bientôt des erreurs dans la publication : photos dupliquées, tableaux incohérents. Roh Sung-Il, collaborateur du Pr. Hwang, demande à la revue de retirer l’article. Une telle rétractation est très rare dans la presse scientifique. Une enquête est aussitôt diligentée par des experts de l’université de Séoul.

 

Fin décembre, le comité d’enquête annonce que 9 des 11 lignées de cellules embryonnaires ont été falsifiées et que de sérieux doutes planent sur la véracité des 2 lignées restantes. Les experts précisent que “ce n’est pas un accident, mais un mensonge délibéré“. Le rapport définitif du 29 décembre donne le coup de grâce : les 2 lignées restantes n’ont pas été obtenues par clonage mais par fécondation in vitro à l’hôpital. Des enquêtes sont lancées sur les autres publications du Pr Hwang : le 1er clonage humain (Science 2004), le clonage d’une vache (1999), de cochons (2002) et d’un chien (Nature 2005).

 

Conséquences politiques en Corée

 

Cette affaire pourrait avoir de sérieuses retombées politiques, le président sud-coréen ayant soutenu le Pr Hwang au cours des deux dernières années. Les travaux du biologiste étaient au centre d’une stratégie de promotion du pays comme “pionnier” dans la recherche sur les cellules embryonnaires. Le Pr Hwang a bénéficié de crédits considérables depuis 2002 : 34 millions d’euros. Le ministère des sciences a annoncé le retrait des 2,4 millions d’euros promis pour  2006.

 

Les scientifiques sud-coréens s’inquiètent des répercussions sur leurs travaux. Dès avant le scandale, ces recherches ne faisaient pas l’unanimité, beaucoup de coréens étant opposés au clonage. “J’espère que cette affaire ne ternira pas l’image des savants sud-coréens, car elle n’est pas représentative de la recherche dans notre pays,” souligne le Pr O II-whan, spécialiste des cellules souches adultes.

 

L’Église de Corée du Sud, qui dénonce ces recherches sur les embryons et le clonage, en sort renforcée. Elle avait annoncé, avant le scandale, que le Comité pour la Vie créé par le diocèse de Séoul, débloquerait 8 millions d’euros pour la recherche sur les cellules souches adultes.

 

Séisme international

 

Pour le Pr Axel Kahn, “c’est un séisme politique, parce que les pays du monde entier, sur la foi des résultats de Hwang s’apprêtent à voter des lois sur le clonage ou les cellules souches”.  Or, “le clonage est un univers de déraison totale” remarque-t-il. “L’une des caractéristiques de ce champ de recherche, c’est qu’il rend fous tous les gens qui le touchent.”

 

Le mirage du clonage rappellera aux amateurs de Tolkien la légende du “Seigneur des anneaux” : l’anneau du pouvoir aliène tous ceux qui s’en approchent, l’ambition finissant par les dévorer. Le mythe a fait place à la réalité, avec le scandale de la secte Raël, et des Dr. Antinori et Zavos. L’affaire Hwang illustre encore cette “déraison totale”, tout comme en France les auditions à l’Assemblée nationale du 22 novembre 20051. “Depuis le début, tous les fantasmes, les illusions, les lobbys se mélangent avec les démarches proprement scientifiques”, précise A. Kahn et ses propos traduisent le sentiment de bien des observateurs. Notons qu’Axel Kahn a été longtemps opposé au clonage avant de rallier le parti des “pour” à la suite des résultats du Pr Hwang en mai 2005.

 

Vers une ère post-clonage

 

Les scientifiques favorables au clonage déchantent. Le Pr. Peschanski reconnaît que “depuis presque un an, toutes les perspectives de recherche sur le clonage s’appuyaient sur le fait que le Pr. Hwang avait réussi à le faire”. Si cette équipe qui “dispose de compétences humaines et de moyens technologiques considérables” n’a pas réussi dans ses tentatives de clonage “cela remettra en question la faisabilité du clonage humain” avoue-t-il.

 

Pour Axel Kahn, “les travaux qui se donnaient pour objectif d’isoler des lignées de cellules souches provenant de personnes malades dans le but d’étudier ces maladies, vont obligatoirement connaître un coup d’arrêt s’il s’avère que l’on ne sait effectivement pas obtenir des embryons humains clonés !” Pour lui, ce scandale révèle “l’aspect fantasmatique du clonage dit thérapeutique”. “Car même si on obtenait une seule lignée de cellules souches dérivées d’un embryon humain cloné, on serait encore loin d’avoir guéri les centaines de millions de personnes qui souffrent de diabète, d’Alzheimer, de maladies cardiaques etc. Cela exigerait de recourir à des centaines de milliers d’ovules” puis de réaliser pour chaque patient un clonage.“On voit bien qu’une procédure aussi lourde n’est tout simplement pas applicable à grande échelle”,  conclut-il.

 

En Grande-Bretagne, où le clonage thérapeutique est autorisé, on commence à évoquer le besoin de diriger les recherches vers d’autres branches moins sensibles sur le plan éthique comme les cellules souches du cordon ombilical. 

 

 

1  Assemblée nationale : auditions sur le clonage, revue de presse 23/11/05

 

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