Salon Désir d’enfant : quand l’État français encourage par son silence et son inaction l’odieuse exploitation du corps des femmes et la vente d’enfants

Publié le 20 Juil, 2021

10 juillet 2021 : comme chaque semaine, la foire commerciale Désir d’enfant inonde les boites de courriel de ses promotions très actives pour inciter le plus grand nombre à se rendre Porte de Champerret les 4 et 5 septembre prochain, pour y trouver de quoi réaliser leurs desiderata les plus divers autour de la conception d’un enfant.

Cette fois-ci, ce sont les cliniques espagnoles du groupe « IVF » qui sont à l’honneur ; elles ne manquent pas d’arguments commerciaux pour attirer le plus grand nombre, en proposant tout d’abord la PMA sans limite d’âge. Elles offrent également la méthode ROPA afin « que les deux membres du couple participent au processus de grossesse. L’une sera la mère génétique et l’autre la mère porteuse ou gestatrice ». Non autorisée en France, cette méthode est centrée uniquement sur le fantasme de deux femmes d’avoir toutes les deux un lien biologique avec l’enfant, afin de rendre incontestable le lien juridique de filiation fictive imposé à l’enfant. Et peu importe que celui-ci soit privé du droit d’établir ce lien avec l’homme qui a permis sa venue au monde. Et même de connaître son identité puisque l’Espagne a maintenu l’anonymat de la fourniture de gamètes, ce qui lui permet de séduire nombre de femmes qui ne veulent aucunement voir planer l’ombre d’un homme dans leur relation avec leur enfant.

D’autres cliniques exposantes concurrentes implantées dans d’autres pays proposent quant à elles le choix du sexe du bébé conçu in vitro, avant l’implantation par la réalisation d’un diagnostic préimplantatoire[1]. Les embryons conçus qui ne seront pas du sexe choisi finiront à la poubelle.

Un salon qui promeut aussi la GPA

Mais c’est loin d’être la seule offre transgressive de marchandisation de l’enfant : sur les 5 pages énumérant les partenaires de la foire commerciale Désir d’enfant [2], on compte pas moins de 8 entreprises de GPA[3] réalisant des profits via l’exploitation reproductive du corps des femmes et la remise d’enfants contre argent. On trouve aussi 3 banques de gamètes[4] venues vendre spermatozoïdes et ovocytes en faisant miroiter la possibilité de choisir un donneur en fonction de ses caractéristiques physiques y compris sa « race »[5], de sa personnalité, de ses centres d’intérêt… Ces banques comptent bien aussi recruter donneurs et donneuses (rémunérés). On trouve encore dans les partenaires de la foire un transporteur spécialisé dans l’acheminement de sperme, ovules et même embryons à travers la planète…[6]

Mais comment articuler ces offres avec les déclarations répétées des membres du Gouvernement ou des députés LREM qui, la main sur le cœur, assurent que de GPA il ne saurait être question en France, ou que la « bioéthique à la française » tient fermement l’absence de patrimonialisation du corps humain, de ses éléments et de ses produits ?

Comment ces entreprises peuvent-elles librement démarcher des clients français sur notre territoire et conclure avec eux des contrats ou à tout le moins des pré-contrats ?

Et bien, qu’on se le dise une fois pour toutes : les déclarations du Garde des sceaux et de ses collègues sont lettre morte ; elles sont uniquement destinées à endormir des Français trop crédules.

Des courriers et plaintes laissés sans suite

C’est la raison pour laquelle ni le Garde des Sceaux, ni la Préfecture de Paris, ni la Préfecture de police de Paris, ni la Mairie de Paris n’ont daigné répondre aux courriers adressés par l’association Juristes pour l’enfance au cours de ces derniers mois[7] pour les alerter sur l’organisation de cette foire pour la seconde année consécutive, et leur demander de prendre des mesures en conséquence.

Le Procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Paris n’a pas non plus à ce jour donné suite à la plainte contre X déposée au tout début du mois d’octobre dernier dénonçant les violations de la loi française dûment constatées par huissier et étayées par de nombreuses pièces.

L’Etat français ferme les yeux sur la vente et l’achat de gamètes. Il se rend consciemment complice de l’exploitation des femmes et du trafic d’enfants qui en résultent via la GPA, pourtant condamnés par le Parlement européen qui a tenu à inclure le sujet de la GPA dans la stratégie nécessaire pour « l’éradication de la traite des êtres humains », au motif que « l’exploitation sexuelle à des fins de gestation pour autrui et de reproduction (…) est inacceptable et constitue une violation de la dignité humaine et des droits de l’homme [8]».

C’est un scandale d’État. Ne cessons jamais de le dénoncer.

 

[1] https://www.dunyaivf.com/fr

[2] https://www.desirdenfant.fr/partenaires/

[3] https://babiescometrue.com/ ; https://www.dunyaivf.com/fr ; https://www.extraconceptions.com/fr/ ; https://forsa-ivf.com/fr/ ; https://ivf-med.com/fr/ ; https://ormfertility.com/ ; https://gaiafertility.com/ ; https://www.babyislife.com/traitements/in-otro/gestation-pour-autrui-gpa

[4] https://www.cryosinternational.com/fr-fr/dk-shop/prive/ ; https://www.europeanspermbank.com/fr-fr ; https://fairfaxcryobank.com/uk

[5] https://www.europeanspermbank.com/fr-fr

[6] https://mycryostork.com/

[7] Courrier adressé par Juristes pour l’enfance au Garde des sceaux le 2 avril 2021. Relance le 9 juillet 2021.

Courrier adressé par Juristes pour l’enfance à la Préfecture de police de Paris le 10 juin 2021. Relance le 9 juillet 2021.

Courrier adressé par Juristes pour l’enfance à la Préfecture de Paris le 10 juin 2021. Relance le 9 juillet 2021.

Courrier adressé par Juristes pour l’enfance à la Mairie de Paris le 10 juin 2021. Relance le 9 juillet 2021.

[8] Résolution du 21 janvier 2021 sur la stratégie de l’Union européenne en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes (2019/2169(INI) ; P9_TA(2021)0025) – https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2021-0025_FR.pdf

Olivia Sarton

Olivia Sarton

Expert

Avocat de formation, elle a exercé près d’une quinzaine d’années au barreau de Paris. Elle a rejoint Juristes pour l’enfance à l’automne 2019, en qualité de Directrice scientifique.

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