Les banques de sperme du Royaume-Uni et de l’Australie utilisent des images et des phrases associées à l’image du masculin pour attirer les donneurs.
L’industrie du don de sperme représente un marché évalué à de plus de 3,5 billions de dollars américains. L’augmentation de la demande provenant de couples homosexuels et globalement celle concernant les traitements de fertilité devrait le stimuler. Au Royaume-Uni comme en Australie, les donneurs ne sont ni rémunérés, ni anonymes, les dons d’un homme sont limités, enfin l’importation et l’exportation de sperme sont très règlementés.
Ces contraintes ont conduit à des pénuries, particulièrement quand, en 2005, le Royaume-Uni a mis fin à l’anonymat des donneurs. Pour les contourner, les banques de sperme ont mis au point une stratégie marketing qui présente le don de sperme comme un acte qui confirme la virilité : « Si vous donnez votre sperme, vous êtes un homme véritable et vous êtes meilleurs que tous ceux qui ne le font pas, quelle qu’en soit la raison », explique le Dr Laetitia Mimoun, de la Cass Business School (City University of London), l’auteur principal de l’étude[1].
Cette stratégie repose sur deux archétypes du masculin : le soldat qui sert son pays et le héros de tous les jours qui sauve une demoiselle en détresse.
L’archétype du soldat utilise des images et des phrases associées au devoir, à l’honneur et à l’héroïsme : un donneur qui se sacrifie lui-même et son temps sans attendre de récompense. Avec, par exemple, la reconstitution de la célèbre affiche de propagande de Lord Kitchener utilisée pour recruter les soldats du Corps expéditionnaire britannique en 1914. La campagne décrit la pénurie de sperme comme « la véritable crise bancaire ».
Pour le héros du quotidien, les images utilisées, souvent hypersexualisées ou romantiques, sont celles des professions qui sauvent des vies : les pompiers, les gardes du corps, qui allient à la possibilité de créer la vie celle d’en sauver. Sur ces affiches-là, des hommes athlétiques s’exhibent en maillots de bain ou en sous-vêtements, mais aussi dans des vidéos qui les montrent faisant des barbecues ou distribuant des roses aux femmes.
Le docteur Mimoun explique que l’utilisation de ces stratégies marketing a un impact significatif sur les dons de sperme dans les deux pays. Au point de leur permettre de résoudre la pénurie à grande échelle. Un moyen paradoxal dans un contexte où la notion de virilité est constamment contestée.
[1] L’étude « Soldiers and Superheroes Needed! Masculine Archetypes and Constrained Bodily Commodification in the Sperm Donation Market » (Soldats et super-héros recherchés ! Archétypes masculins et marchandisation corporelle forcée dans le secteur du don de sperme) a été acceptée pour publication dans la revue Marketing Theory.
Medical Press (20/05/2019) – Sex sells: How masculinity is used as currency to buy sperm donors’ time