Robots : la question éthique touche aux liens affectifs

Publié le 14 Mar, 2018

Dans un entretien accordé au journal Le Monde, Raja Chatila, directeur de l’Institut des systèmes intelligents et de robotique (ISIR), met en garde contre la « confusion » entre l’homme et le robot.

 

Après avoir définit le robot comme « une machine physique, matérielle, dotée de capacités de perception d’elle-même et de l’environnement, de capacité d’action et de décision » : « une intelligence artificielle ‘encorporée’ », il la décrit comme « le lien intelligent entre la perception et l’action ». Deux fonctions aujourd’hui opérationnelles auxquelles il faut ajouter la communication et l’apprentissage « qui prennent de l’importance ».

 

Face au robot, l’intelligence humaine « est le résultat de l’évolution de capacités d’interactions avec l’environnement. Guidée par la survie et la reproduction de l’espèce, en gros. Notre cerveau ne s’est pas ­développé pour jouer aux échecs. C’est une machine à anticiper. Pour être efficace, pour survivre.

 

Allons plus loin : on peut montrer autant de millions d’images de chats qu’on veut à un système d’apprentissage profond pour qu’il ­reconnaisse un chat, il ne saura jamais ce qu’est un chat. Pour le savoir, il faut le caresser, se faire griffer, écouter son ronronnement… Bref, interagir avec lui par tous les moyens perceptifs et à travers des actions, et c’est cette expérience qui devient pour nous la définition du chat ».

Aujourd’hui, « le meilleur robot n’est pas allé très loin ». Et face aux discours sur la singularité, Raja Chatila estime que « cela reste de la science-fiction, et cela monopolise les débats. Il y a cependant un intérêt, c’est de réfléchir à des mécanismes de ­contrôle de ces intelligences, à la nécessité de maîtriser et de concevoir des systèmes qui respectent nos valeurs humaines ».

 

Pour lui la grande question éthique reste celle des liens affectifs qui sont tissés avec les robots compagnons. Il explique :  « Un robot n’a pas d’émotion. Il fait semblant. Un adulte ne s’y laissera pas forcément prendre. Mais un enfant ou une personne en perte de capacités cognitives pourra y croire, ne pas être capable de discernement, de faire la distinction entre la machine qui exprime une affectivité et un autre être humain. Quelle trace cela va-t-il laisser dans l’imaginaire de l’individu, sur ce que sont les émotions ? ».

 

Avec l’imitation des êtres vivants, et surtout des humains, il estime qu’ « on va brouiller la frontière entre le vivant et la machine, on va poser la question ‘qu’est-ce que c’est qu’un être humain ?’. Cette confusion, de mon point de vue, est un danger, et je pense qu’il faut y réfléchir sérieusement.

 

Prenons les robots sexuels. On voit bien, sans puritanisme, ce qu’ils véhiculent de l’être humain, de la femme en particulier. Et ces ­robots pourraient aussi prendre la forme d’un enfant. J’entends déjà l’argument : faire des ­actes sexuels avec des machines qui ressemblent à des enfants réduira la pédophilie. Mais faut-il aller jusqu’à autoriser finalement l’expression de ces pulsions à travers des machines… Il y a une banalisation de l’acte, ou de l’exercice de cette pulsion, qui pose problème. Et toujours ce problème de discernement ».

Le Monde, David Larousserie (13/03/2018)

Progrès scientifique : attention à la « confusion » entre homme et robot

 

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