Réglementation des soins aux foetus morts nés ?

Publié le 13 Juil, 2006

Il y a près d’un an éclatait "l’affaire des foetus de Saint Vincent de Paul" (cf. revue de presse d’août 2005). A l’origine, une mère de famille, Caroline Lemoine, qui demande à l’hôpital l’endroit où son fils, dont la vie a été interrompue un an auparavant suite au diagnostic d’une anomalie chromosomique, est inhumé. Elle découvre alors "le flou des pratiques et l’absence de considération pour ces bébés morts avant de naître". Depuis, elle a décidé de développer les soins palliatifs en maternité comme une alternative à l’interruption médicale de grossesse (IMG) afin que les parents puissent accompagner la vie de leur enfant in utero jusqu’à la mort naturelle.

Le ministère de la Santé a entendu sa plainte et celles de très nombreux parents et a préparé une réglementation concernant les soins apportés aux enfants nés sans vie qui doit être examinée aujourd’hui au Conseil d’Etat. Les textes présentés prévoient d’encadrer de façon stricte les pratiques d’autopsie et d’inhumation au sein des hôpitaux, des services de pompes funèbres et des cimetières.

Ainsi, on ne devrait plus parler "d’incinération mais de crémation" note Maryse Dumoulin, médecin au CHU de Lille et président de la fédération européenne Vivre son deuil. "C’est important, car la crémation est réservée aux êtres humains. De même, on devra les autopsier avec les mêmes techniques et égards que les personnes décédées. Je souhaite que ces textes changent le regard porté sur ces tout-petits, notamment par les soignants" ajoute-t-elle. Josy Farré, surveillante de bloc à la clinique Ambroise Paré (Toulouse), explique : "il a fallu du temps, car c’est difficile pour nous, soignants de maternité, d’affronter la mort, surtout celle des bébés (…)". Pour Florence Basset, fondatrice de l’association Clara en mémoire de sa fille morte à cinq mois de grossesse, "ce travail représente une étape importante, surtout pour les foetus de moins de 22 semaines, encore trop souvent considérés comme des déchets hospitaliers".

De nombreuses associations soutiennent les parents face à un deuil périnatal et sensibilisent les équipes médicales. Que se soit un enfant mort naturellement in utero ou un enfant dont la vie a été interrompue par IMG, le couple est confronté à un véritable "deuil impossible" d’autant qu’il se heurte à l’indifférence de la société. Jean-Philippe Legros, psychologue à l’hôpital Saint Vincent de Paul, explique : "la société est dans un déni de la réalité. Les femmes confrontées au deuil périnatal attestent qu’elles avaient un enfant vivant en elles. Pas un foetus ni un fantasme, mais un bébé."

Ces questions soulèvent celle de la nature du foetus. Si les soins portés aux foetus morts nés deviennent les mêmes que ceux portés à une personne décédée, le droit actuel français continue à ne pas reconnaître l’enfant à naître comme une personne, estime la journaliste.

Frédérique Dreifuss-Netter, professeur à la faculté de droit Paris V, estime quant à elle qu’"accorder un statut au foetus reviendrait à remettre en cause la loi Veil sur l’interruption de grossesse. La naissance reste le seul point de départ de la personnalité juridique. Le droit garde son autonomie par rapport à la réalité vécue, à la psychologie et aux pratiques médicales".* Cette citation illustre ce qu’a écrit Jean-Pierre Denis dans son édito : "le gouvernement n’ignore pas que, très vite, lorsqu’il s’agit de foetus, affleure l’accusation de vouloir « remettre en cause le droit à l’interruption de grossesse »". J-P Denis conclut sur les propositions de Claude Sureau qui réclame un "statut spécifique" pour "l’être prénatal".**

NDLR :
*Face à la déclaration de Frédérique Dreifuss-Netter, nous vous livrons les commentaires de Me Jerry Sainte Rose, avocat général à la Cour de cassation :
"protéger pénalement la vie du fœtus donnerait, parait-il, mauvaise conscience aux femmes qui avortent mais cette protection a coexisté pendant un quart de siècle avec l’application de la loi sur l’IVG et n’a jamais empêché aucune femme d’avorter" (cf. Lettre de juillet 2004). L’article 1er de la loi Veil sur l’avortement (1975) affirme que "la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi." Jerry Sainte Rose regrette qu’aujourd’hui ce principe soit vidé de sa substance.

**
Sur les propositions de Claude Sureau, lire en ligne l’article de Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune :
Vêtu de la peau du lion, Claude Sureau veut animaliser l’embryon.

La Vie n°3176 (Claire Legros) 13/07/06 – Le Quotidien du Médecin 20/07/06

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