Recherche sur l’embryon humain : incohérente surenchère des politiques

Publié le 13 Jan, 2011

Sur Liberté Politique, Pierre-Olivier Arduin se penche sur la fuite en avant des responsables politiques qui veulent pérenniser la recherche sur l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires humaines. Très controversée d’un point de vue éthique puisqu’elle entraine la désagrégation d’un embryon humain vivant, cette recherche a été interdite dans les précédentes lois de bioéthique. En 2004, le législateur avait toutefois accepté la mise en place d’un moratoire permettant de déroger à cet interdit pour une durée de 5 ans, "à la condition que les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires "permettent des progrès thérapeutiques majeurs et ne puissent être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable" ".

Actuellement, le gouvernement compte supprimer le moratoire et instaurer un régime d’interdiction avec dérogation sans limite dans le temps. Or, "déroger à titre définitif à un interdit a-t-il un sens sur le plan éthique?" De plus, le projet de loi prévoit d’abandonner le critère de visée thérapeutique qui conditionne les autorisations de recherche. La notion moins contraignante de "finalité médicale" vient ainsi remplacer celle de "finalité thérapeutique", ce qui permet la validation de projets de recherche fondamentale. Il s’agit ainsi d’ouvrir les portes à la recherche pharmaceutique sur l’embryon humain avec la pratique du criblage moléculaire. En 2004, le législateur n’avait consenti aux dérogations à l’interdit de la recherche embryonnaire que si les chercheurs se situaient expressément dans une voie d’application thérapeutique, ce qui excluait les recherches pharmaceutiques ou fondamentales. Le choix du gouvernement fait face à une autre incohérence que fait remarquer la juriste Aude Mirkovic, maître de conférences en droit public à l’université d’Evry qui ne cache pas sa surprise de voir l’Etat persister à utiliser des embryons humains pour la recherche alors même que l’Union européenne a récemment manifesté la ferme volonté de protéger les embryons animaux. La directive du 22 septembre 2010 fixe comme exigence "le remplacement total des procédures appliquées à des animaux vivants à des fins scientifiques et éducatives [en promouvant] la mise au point d’approches alternatives", le texte visant aussi bien les animaux nés que ceux sous "les formes embryonnaires et fœtales !" "

Le 1er décembre 2010, la première table-ronde de la commission parlementaire spéciale chargée d’examiner le projet de loi de bioéthique (Cf. Synthèse de presse du 19/11/10) était consacrée aux recherches sur l’embryon. A cette occasion, les propos échangés, notamment ceux de Jean Leonetti, "ont dévoilé un dispositif que personne n’avait prévu" qui fait percevoir les aggravations qui risquent d’être apportées au statut de la recherche sur l’embryon humain en France. Jean Leonetti s’est prononcé pour la suppression du critère d’absence de méthode alternative d’efficacité comparable.  Or supprimer tout critère comparatif entre les différentes voies de recherche revient à bâillonner par avance ceux qui argumentent avec raison la priorité à emprunter des ‘voies éthiques’ pour la recherche. En voulant mettre fin à "toute exigence de comparaison, Jean Leonetti libéralise de facto la recherche sur l’embryon quand bien même il existerait une procédure alternative équivalente ne soulevant aucune objection éthique".
En outre, là où le projet de loi préconise le maintien de l’interdiction de recherche sur "l’embryon et les cellules souches embryonnaires" et non sur l’embryon "en général", Jean Leonetti a dit vouloir libéraliser la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines en ne conservant le principe d’interdiction que dans le cas de la recherche sur l’embryon humain in toto. Il inclut dans cet interdit avec dérogations les embryons qui seraient destinés à naître et légitime ainsi indirectement la création d’embryons à visée d’expérimentation pour améliorer les techniques d’AMP. Par ce tour d’adresse machiavélique, "la voie qu’il propose ne peut que conduire à affaiblir gravement le respect de la vie dans notre pays" souligne Pierre-Olivier Arduin.

Notons, en outre, que cette surenchère contraste avec le peu de considération accordée par la plupart des politiques aux progrès très prometteurs de la communauté scientifique internationale dans le domaine des cellules souches adultes (cellules du cordon, mésenchymateuses, etc) pour le développement de thérapies cellulaires novatrices. Les cellules iPS sont aussi idéales pour la modélisation de pathologies et le criblage moléculaire. La technique des iPS est même à l’origine d’une récente réussite : la transdifférenciation cellulaire dont l’exemple le plus étonnant est la transmutation de cellules de peau en cellules de sang sans passer par le stade de cellules souches pluripotentes (Cf. Synthèse de presse du 09/11/10).
 

Liberté Politique.com (Pierre-Olivier Arduin) 07/01/11

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