La déclaration d’Helsinki, « texte fondateur » qui énonce les principes éthiques internationaux applicables à la recherche médicale, vient de subir « l’une des révisions les plus importantes » depuis son adoption en 1964 (cf. Déclaration d’Helsinki : quels défis pour la recherche et les essais cliniques 50 ans après ?). Elle a été publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) le 19 octobre.
Cette déclaration est une réponse de l’Association médicale mondiale (AMM) aux expériences menées dans les camps de concentration nazis et à des scandales ultérieurs [1]. Le texte initial énonce de « grands principes », tels que le droit des participants de se retirer d’une recherche et la nécessité du consentement. Cette déclaration n’est pas juridiquement contraignante, mais certains pays y font référence dans leur législation, et ses grands principes sont développés dans des documents plus détaillés, tels que les lignes directrices en matière d’éthique publiées par le Council for International Organizations of Medical Sciences.
Une nouvelle façon de considérer les participants
Cette dixième mise à jour exige le respect de ces principes non seulement par les médecins, mais aussi par tous les chercheurs impliqués. En outre, son titre fait désormais référence aux recherches impliquant des « participants humains »[2] et non plus des « sujets ».
Il ne s’agit pas que d’un point de rhétorique mais d’un réel « changement de perspective », analyse Philippe Amiel, membre du comité d’éthique de l’Inserm. En effet, les participants ne sont plus considérés comme « de potentielles victimes de possibles tortionnaires », mais comme « des personnes en capacité d’action qui désirent souvent profondément participer à la recherche ».
Il en est de même de la protection des personnes « vulnérables », comme les femmes enceintes ou les personnes issues de minorités ethniques, qui étaient souvent exclues des protocoles. La nouvelle déclaration affirme au contraire que faire de la sorte « peut exacerber les inégalités ». Les risques inhérents au fait de participer à une recherche devront être mis en balance avec ceux liés aux inégalités engendrées par le fait d’en être exclu.
Enfin, la déclaration révisée soutient que les principes éthiques doivent être respectés, « même en cas d’urgence sanitaire ».
Des « omissions » ?
Cette révision a été approuvée à l’unanimité par les organisations médicales qui prennent part à l’Assemblée générale de l’Association médicale mondiale. Mais certains acteurs pointent des « omissions ».
Ainsi, Jill Fisher, professeur à l’Université de Caroline du Nord, souligne que des volontaires en bonne santé qui rejoignent des protocoles de recherche en raison de la rémunération, peuvent souffrir de problèmes de santé par la suite. La révision aurait dû s’emparer de ce type de question, considère-t-elle.
Caesar Atuire, éthicien à l’Université d’Oxford et à l’Université du Ghana, espérait quant à lui un « changement plus profond quant à la manière de penser ». « L’éthique ne vise pas seulement à éviter le mal », « il s’agit aussi de promouvoir le bien », pointe-t-il. Comment s’assurer d’un accès aux bénéfices de ces recherches ?
Barbara Bierer, scientifique à la Harvard Medical School, relève de son côté le silence en matière d’utilisation de données issues de compagnies d’assurance ou d’entreprises pharmaceutiques. Bien qu’elle considère la déclaration comme un document « crucial », elle relève qu’il est « très facile » de proposer des principes éthiques et « très très difficile » de les appliquer.
[1] Comme celui du thalidomide. Il a provoqué l’absence ou la malformation de membres chez des milliers de nouveau-nés.
[2] « Ethical Principles for Medical Research Involving Human Participants »
Source : Science, Cathleen O’Grady (29/10/2024)