Profitant d’une citation d’Hervé Mariton à l’occasion de la présentation de son rapport : " Reprendre la main sur les questions de société", Pierre-Olivier Arduin et Cécile Edel proposent dans Liberté Politique de remettre la question de l’avortement en débat. Le député UMP, qui a présidé un groupe de trente-deux parlementaires UMP dans l’élaboration de ce rapport, avait en effet déclaré le 16 juillet 2009 au Figaro : "La philosophe Monique Canto-Sperber nous a rappelé que la loi anglo-saxonne en matière d’avortement était beaucoup plus libérale que la loi française. Pourtant, il y a plus d’avortements en France qu’en Grande-Bretagne. Là-bas, on en parle, alors qu’ici, le sujet est exclu du débat public".
Pierre-Olivier Arduin et Cécile Edel plaident donc pour la prise en compte des conséquences actuelles de la loi Veil.
Les chiffres sont écrasants : près de 40% des françaises ont déjà avorté. En tout, plus de 210 000 IVG sont pratiquées tous les ans en France et 3 grossesses sur 5 se terminent par une IVG chez les jeunes filles de moins de 18 ans. On observe également une augmentation régulière du recours à l’IVG chez les mineures : 9% de croissance en un an entre 2005 et 2006.
Par ailleurs, on voit émerger la reconnaissance du syndrome post-avortement. Si dans le passé les femmes ont caché les signes de leur souffrance de peur de paraître "déviantes" et "inadaptées", elles sont de plus en plus nombreuses aujourd’hui à rechercher une prise en charge psychologique après une IVG. Plusieurs spécialistes parlent de "traumatismes à retardement de l’avortement".
Les jeunes générations de professionnels de santé font de plus en plus valoir leur clause de conscience, par conviction morale ou par indifférence envers un acte qui leur semble peu gratifiant au vu de leur niveau d’études. Le docteur Grégoire Moutel, responsable du laboratoire d’éthique médicale de l’Université Paris-Descartes expliquait le 25 février 2009 dans le Figaro : "Beaucoup de professionnels, qui ne sont pas du tout des militants pro-vie, changent aujourd’hui de regard après avoir vu trop de glissements sur la pratique. A l’origine, les indications de l’avortement impliquaient une détresse […] de la femme, elles sont aujourd’hui plus de l’ordre du confort, ce qui n’est pas dans l’esprit de la loi".
Les auteurs dénoncent eux aussi cette application abusive de la législation (sans pour autant justifier cette dernière) : la loi Veil relevait d’un régime dérogatoire et non d’un régime d’autorisation. Elle devait permettre la mise en œuvre d’exceptions à l’interdit de l’avortement qui demeure la règle. "Présentée aujourd’hui à tort par certains lobbies comme un droit, la législation en vigueur ne constitue jamais que la dépénalisation d’un acte qui demeure théoriquement criminalisé : le premier acte de la loi Veil stipule que ‘la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité…’"
Enfin, la reconnaissance par décret (août 2008) de la possibilité d’inscrire sur les registres d’état civil et le livret de famille les fœtus nés sans vie pourrait participer à un renouvellement du regard porté par notre société sur l’enfant à naître.
Le rapport d’Hervé Mariton, qui affirme que "les responsables politiques ont pour mission de faire vivre le débat sur les questions", pourrait donc inviter à réfléchir à la pratique de l’avortement.
Liberté politique (Pierre-Olivier Arduin, Cécile Edel) 11/09/09 – Gènéthique 18/09/09