Ce projet de loi a pour objet la transposition de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques.
Le législateur européen a en particulier entendu veiller à ce que le développement de l’activité inventive se produise dans le strict respect des principes fondamentaux, notamment de ceux qui garantissent la dignité et l’intégrité de l’homme. C’est précisément ce dernier aspect qui est le plus objet de controverses. On a en effet coutume de reprocher au législateur communautaire la trop grande précision de ses directives qui ne laisse aucune marge de manœuvre au législateur national.
L’article 5
Paradoxalement, c’est le reproche inverse qui a été adressé à cette directive, s’agissant de son article 5, le plus délicat à mettre en œuvre. Celui-ci a notamment provoqué une initiative (en particulier avec le Pr Mattéi) tendant à la révision de la directive. Cet article 5 prévoit que « le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d’un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables ». Cela n’est pas contesté.
Ce qui est contesté
Sont en revanche contestées les dispositions qui prévoient qu’ « un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène, peut constituer une invention brevetable, même si la structure de cet élément est identique à celle d’un élément naturel », alors même que le législateur européen a pris soin d’ajouter que « l’application industrielle d’une séquence ou d’une séquence partielle d’un gène doit être concrètement exposée dans la demande de brevet » (clause destinée à faire obstacle à des brevets tels que ceux abusivement déposés aux Etats-Unis par Craig Venter). Le législateur a assorti cette norme d’une série de précisions complémentaires dans les considérants 16 à 26 de la directive. L’enjeu essentiel qu’est la mise en œuvre de l’article 5 est par ailleurs différé puisque les dispositions issues des lois bioéthiques de 1994 selon lesquelles « le corps humain, ses éléments et ses produits ainsi que la connaissance de la structure totale ou partielle d’un gène humain ne peuvent en tant que tels, faire l’objet de brevets » seront maintenues en l’état, vraisemblablement jusqu’à la révision des lois bioéthiques elles-mêmes.
Réponse de la Cour de Justice
Une réponse autorisée vient néanmoins d’être apportée aux critiques du Pr. Mattéi par la Cour de Justice des Communautés européennes. Cette dernière, dans un récent arrêt du 9 octobre 2001 (affaire C-377/98) a jugé que, « s’agissant de la matière vivante d’origine humaine, la directive encadre le droit des brevets de façon suffisamment rigoureuse pour que le corps humain demeure effectivement indisponible et inaliénable et qu’ainsi la dignité humaine soit sauvegardée ». Un aval jugé semble-t-il insuffisant par le gouvernement Jospin pour lui permettre d’assumer en période de cohabitation et avec une majorité plurielle comprenant des écologistes, la mise en œuvre complète d’un texte européen qu’il avait pourtant activement contribué à faire voter à Bruxelles en 1998…
Le projet de loi n’assure donc pas la transposition complète de la directive mais a néanmoins pour objet de renforcer la protection des inventions portant sur la matière biologique, sous réserve d’une série d’exclusions liées à l’ordre public. Il concilie également, comme le prévoit la directive, la non-brevetabilité des races animales et des variétés végétales avec la brevetabilité des inventions portant sur des éléments biologiques d’origine animale ou végétale. En outre, le projet renforce les dispositions applicables aux licences obligatoires et d’office qui permettront de protéger l’éleveur et l’agriculteur contre les conséquences néfastes de situations de dépendance technologique. Le vote du texte devrait donc être plus facile que l’adoption de la directive il y a un peu plus de trois ans.