L’article 20 du projet de loi du gouvernement sur la révision des lois de bioéthique permettrait d’autoriser la pratique de la vitrification des ovules, une méthode de congélation ultra-rapide permettant de congeler l’ovocyte sans faire éclater cette cellule particulièrement fragile. Une première naissance humaine à partir d’un ovocyte préalablement vitrifié a été rapportée en 1999 par l’équipe japonaise de Kuleshova. Cette technique pose pourtant un certain nombre de problèmes éthiques : Pierre-Olivier Arduin fait le point dans un article de Liberté politique.
Il note tout d’abord que la disposition du projet de loi contredit la politique de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et du ministère de la Santé qui ont toujours jusqu’ici rejeté les demandes d’autorisation de la pratique de la vitrification. En effet, cette technique implique une expérimentation indirecte sur l’embryon humain qui tombe sous le coup de deux dispositions du Code de la Santé publique : l’article L.2151-2 selon lequel “la conception in vitro d’embryon humain à des fins de recherche est interdite” et l’article L.2151-5 qui dispose que “les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation”.
Fabienne Bartoli, adjointe au directeur de l’Afssaps, rappelle également “qu’on a très peu de recul sur d’éventuelles conséquences à long terme”. D’autres spécialistes partagent cette inquiétude, notamment parce que, pour être vitrifiés, les ovocytes sont directement plongés dans l’azote liquide, sans être protégés par des paillettes comme c’est le cas pour les spermatozoïdes ou les embryons.
Les défenseurs de la vitrification d’ovocytes prétendent quant à eux que cette technique permettrait de se passer à terme de “la congélation d’embryons sujette à de nombreuses interrogations éthiques” : on ne créerait plus que les embryons nécessaires au projet parental. Fabienne Bartoli récuse cet argument : la vitrification ne fera, au mieux, que réduire le nombre d’embryons congelés. C’est ce qu’explique également le Pr Pierre Jouannet : “Il nous faudra toujours, lorsqu’on prélève 10 ovocytes chez la femme, faire féconder 3 ou 4 ovocytes afin de garantir l’obtention d’au moins un embryon viable”. Les recommandations françaises actuelles préconisant l’implantation d’un seul, voire de deux embryons, il faudra bien continuer à congeler les autres.
L’autorisation de la vitrification d’ovocytes pourrait bien, par ailleurs relancer la filière du don d’ovocytes dans notre pays. Pour le docteur Jean-Marie Kunstmann, de l’hôpital Cochin : “Avec [la vitrification], les femmes qui ont eu des enfants et auxquelles il reste des ovocytes congelés seraient nombreuses à en faire don à d’autres couples stériles car donner des gamètes est beaucoup plus facile que donner un embryon”. Pierre-Olivier Arduin s’interroge : ne risque-t-on pas d’exercer des pressions sur les femmes pour qu’elles cèdent leurs gamètes à la fin d’un projet parental ?
Alors que la proposition de lever l’anonymat du don de gamètes met en lumière les multiples difficultés posées par la cession des cellules reproductives, est-ce le moment de favoriser l’expansion du don d’ovocytes ?
Finalement, la vitrification d’ovocytes ne permettra pas de supprimer le stock d’embryons congelés, mais aboutira à la constitution de deux stocks distincts : un d’embryons et un autre d’ovules.
Un autre argument en faveur de la vitrification d’ovocytes est avancé: la technique de la congélation ultra-rapide serait “particulièrement utile pour préserver la fertilité des femmes jeunes atteintes d’un cancer”. Pierre-Olivier Arduin rappelle qu’il est aujourd’hui possible de prélever chirurgicalement du tissu ovarien, de le congeler, puis de le greffer à la femme après ses traitements. Les fragments réimplantés sont alors capables de produire des ovocytes matures. Un premier enfant est né naturellement en France en 2009 après une telle opération.
Au vu de ces problématiques, et des questions soulevées par le don de gamètes, Pierre-Olivier Arduin conclut donc : “
Parce qu’ils ont un ‘
statut anthropologique’
bien spécifique, le vrai progrès moral consisterait à rendre indisponibles les gamètes”
.
Liberté Politique (Pierre-Olivier Arduin) 27/10/10