Didier Sicard, ancien chef de service de médecine interne à l’hôpital Cochin de Paris et président du Comité consultatif national d’éthique, publie un nouvel essai "L’alibi éthique" dans lequel il dénonce le fossé Nord-Sud de la médecine. "Le discours est monopolisé par ceux qui peuvent s’offrir le luxe de la réflexion des repus, (…), tout en restant passifs devant la misère de ceux qui demandent simplement de survivre".
Le Pr Sicard explique que les débats sur le clonage, les cellules souches, le statut de l’embryon relèvent d’une "éthique de la réflexion qui se gargarise" : "peut-on ne pas être angoissé par une réflexion éthique qui se voudrait universelle et qui ne concerne en réalité que les plus rassasiés ?". Comment accepter que l’inégalité d’accès élémentaire aux soins n’ait jamais été aussi grande ? Comment accepter que les essais thérapeutiques infaisables au Nord pour des raisons éthiques soient menés au Sud et que ces populations soient ensuite laissées dans le dénuement thérapeutique total ?
Pendant ce temps, notre société se protège avec "le principe de précaution" qui, pour le Pr Sicard, n’est qu’un "cache sexe" de la science, utilisé "à tort et à travers", pour se donner "bonne conscience".
Le Pr Sicard condamne notre système de formation médicale "entièrement tourné vers la réponse technique à des maladies complexes ou rares" qui délaisse le sans-domicile fixe, l’alcoolique, le toxicomane, la personne âgée démunie…
Face à notre société qui "n’a jamais été aussi normative", le Pr Sicard appelle à une société "plus solidaire, plus respectueuse de la diversité, plus consciente de l’intérêt collectif" et à une éthique pluridisciplinaire "plus humble, plus curieuse".
L’alibi éthique, Didier Sicard, ed. Plon.
Le Monde (Sandrine Blanchard) 26/09/06 – La Vie (Claire Legros) 28/09/06