Premier forum de bioéthique à Marseille: maintenir le moratoire

Publié le 10 Juin, 2009

Le premier forum citoyen des Etats-Généraux de la bioéthique a eu lieu mardi 9 juin au Palais du Pharo à Marseille. "Ce que nous voulons, c’est un débat humain, qui ne soit pas confisqué par les experts", a expliqué Jean Léonetti. Et celui-ci d’ouvrir la séance par une citation d’Edgar Morin : "A force de sacrifier l’essentiel à l’urgence, on peut finir par oublier l’urgence de l’essentiel." Le ton est donné : il s’agit théoriquement de nourrir la future révision des lois de bioéthique par un débat citoyen. Le concept ? Un panel de seize personnes représentatives de la population locale, formées pendant deux week-end et qui questionne un comité d’experts : Professeur Philippe Menasché, chirurgien cardiologue à l’hôpital Pompidou, directeur de recherches à l’INSERM, Jean-Claude Ameisen, président du comité d’éthique de l’INSERM et membre du Comité consultatif national d’éthique, Professeur Jacques Testard, biologiste et directeur de recherche à l’INSERM, Jean-François Mattei, généticien et ancien ministre de la santé, et Jean-Christophe Galloux, professeur de droit et responsable du Centre de recherche en droit de la santé à l’université Panthéon- Assas. A l’ordre du jour de cette première rencontre : la recherche sur l’embryon, le DPN et le DPI.

La matinée sera consacrée à la recherche sur l’embryon. Très vite Jean-François Mattéi rappelle : "n’oublions jamais que nous sommes tous issus d’une seule cellule" pour affirmer ensuite : "tant que nous n’aurons pas répondu clairement que les cellules adultes peuvent remplacer toujours dans toutes les maladies les cellules embryonnaires humaines, nous ne pourrons pas nous passer des cellules embryonnaires humaines". Le professeur Philippe Menasché explique aux membres du panel que "l’intérêt pour les cellules embryonnaires est né de l’insuffisance des cellules adultes". Si certaines maladies peuvent aujourd’hui espérer une thérapeutique à partir de cellules souches adultes, "il y a aussi des maladies pour lesquelles on sait désormais que les cellules adultes ne marchent pas. C’est la raison pour laquelle nous devons impérativement explorer la piste des cellules embryonnaires." Le Professeur Jacques Testart, rappellera à plusieurs reprises que la recherche doit d’abord se faire sur des animaux et qu’avant de pratiquer des recherches sur les embryons humains il faudrait étudier les embryons d’animaux. Il a précisé également à l’attention du Pr Menasché que si les recherches sur les embryons d’animaux ne donnent rien, ce n’est pas la recherche sur les embryons humains qui apportera la solution. Le panel apprendra à cette occasion que les recherches sur l’embryon humain coûtent moins chères que celles sur les embryons de primates, "quand je demande aux chercheurs pourquoi ils n’utilisent pas d’embryons de primates, a précisé Jean François Mattéi, on me répond qu’obtenir des embryons de primates ça coûte cher, or on a des embryons humains dans des congélateurs, qui ne coûtent rien." Jacques Testart précise ensuite : "Depuis vingt ans en Grande-Bretagne, il est possible de faire des recherches sur l’embryon et même de fabriquer des embryons à des fins de recherche. Or, cela n’a pas permis à la recherche d’avancer." Le Professeur de droit Jean-Christophe Galloux attire l’attention sur le glissement du thérapeutique vers le médical puis vers le scientifique et fait remarquer que "la finalité scientifique est beaucoup plus difficile à contrôler par les non-scientifique". Ce point est d’autant plus important qu’il concerne directement les conditions d’exceptions faites à l’interdit de recherche sur l’embryon dans la loi française.

Concernant le régime actuel de la loi, Jean-François Mattéi déclare : "Quand j’interroge les chercheurs, ils me disent tous « nous n’avons pas été gênés dans nos recherches par les restrictions», il est donc faux de dire que la loi actuelle empêche de faire de la recherche. (…) De même qu’en matière de fin de vie on doit maintenir l’interdiction de donner la mort, il faut maintenir l’interdiction de cette recherche sur l’embryon. C’est une manière de rappeler que cette recherche ne va pas de soi, qu’elle est toujours une transgression." "Tant qu’on n’a pas plus de certitude sur l’intérêt de ces cellules il faut garder le repère. Nous avons besoin de repères." Il se déclare donc favorable au maintien du dispositif actuel (interdit de principe avec exceptions), sans date annoncée de révision, jusqu’à ce que les scientifiques prouvent que la recherche sur les cellules embryonnaires humaines est obligatoire. Le professeur Menasché tenta de faire valoir que cet interdit assorti d’autorisations sous conditions, s’il ne gênait pas l’avancée de leurs travaux, les pénalisait en les privant de reconnaissance dans la communauté scientifique internationale. Ce à quoi Jacques Testart et Jean-François Mattéi ont répondu en rappelant que les chercheurs étaient reconnus par leurs publications scientifiques, non pas la législation de leur pays.

Il faudra attendre la toute fin de matinée marquant la fin du "débat" sur l’intérêt de la recherche sur les embryons humains pour que l’existence des cellules IPS soit évoquée, au détour d’une question.

Concernant le sort des 176 000 embryons surnuméraires congelés en France, et de la difficulté des parents à léguer ces embryons à la recherche, le Pr Mattei explique encore : "A mon avis, c’est parce que dans leur esprit, ces embryons ont été conçus pour donner naissance à un enfant, pas pour être instrumentalisés à des fins de recherche. Cette question de l’intentionnalité est essentielle."

Jean-Claude Ameisen, attirera l’attention des membres du panel sur deux points : d’une part sur le fait qu’on s’interroge plus sur l’utilisation des embryons pour la recherche que sur leur destruction, d’autre part sur le fait que la législation soit très restrictive sur les cellules souches issues d’embryons humains alors qu’elle est tout à fait silencieuse sur la recherche sur les cellules fœtales issus de fœtus avortés. Il suggère que les modalités de recherche soient les mêmes pour ces deux types de cellules, une fois les embryons humains détruits, l’utilisation de leurs cellules pour la recherche ne devrait pas poser de problèmes particuliers…

Libération évoque ce que le panel a appelé une certaine "hypocrisie" du dispositif actuel et sur laquelle il a interrogé les experts : qu’en est-il du statut de l’embryon humain ? Est –il une chose comme en Angleterre, bénéficie-t-il de droits constitutionnels comme en Allemagne ? La France hésite toujours…

La Croix (Pierre Bienvault) – Libération (Michel Henry) – 

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