Pr Claude Huriet: la proposition de loi autorisant la recherche sur l’embryon, “un texte passéiste”

Publié le 13 Mar, 2013

 Dans une tribune publiée dans le quotidien Le Monde, le Professeur Claude Huriet, agrégé de médecine, président de l’Institut Curie, ancien membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et ancien sénateur, précise que la proposition de loi autorisant la recherche sur l’embryon “incite à s’interroger sur les motifs qui justifient cet ajout à la loi relative à la bioéthique adoptée par le Parlement voici dix-sept mois“. Il s’interroge: “la motivation est-elle fondée sur des considérations médicales et scientifiques liées aux découvertes récentes, ou à une opportunité politique?“. 

Pour l’ancien membre du CCNE, l’exposé des motifs du texte est “sans ambiguïté: la proposition de loi est un texte passéiste“. En effet, “elle ne se réfère ni aux progrès extraordinaires concernant les cellules souches adultes ou induites et leurs possibles applications thérapeutique, ni à la vitrification d’ovocytes“. Pour le Pr Huriet, “ce qui est en jeu, c’est la suppression pure et simple de l’interdiction de la recherche sur l’embryon humain“. Or, précise-t-il, “les fondements sur lesquels s’appuie cette proposition de loi sont fallatieux et ‘intempestifs’, c’est-à-dire dépassés par les progrès récents“. 
A ce sujet, le Pr Huriet donne plusieurs exemples d’avancées récentes. La première, en 1998, lorsque J.A Thomson, “auditionné par le Sénat Américain, avait entrevu les utilisations thérapeutiques des cellules souches embryonnaires humaines, mais abandonne cette voie dès 2002“, car selon lui “ces dernières ne pourront vraisemblablement jamais être utilisées pour traiter des patients“. D’ailleurs, poursuit le Pr Huriet, “en quinze ans, aucun patient n’a été traité par des cellules souches embryonnaires“. 
Par conséquent, l’ancien sénateur s’interroge: “comment peut-on faire référence, dans un débat parlementaire sérieux, à ‘des résultats scientifiques importants’, affirmer que ‘la recherche sur les souches embryonnaires est porteuse d’espoir’ et que ‘les résultats obtenus depuis treize ans dans le monde et depuis six ans en France sont très encourageants?’ “.

Le texte de la proposition de loi, qui sera discutée le 28 mars prochain à l’Assemblée nationale, prévoit que “la recherche [sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires], fondamentale ou appliquée, s’inscrit dans une finalité médicale“. Pour le Pr Claude Huriet, “si tel est l’objet essentiel de la proposition, la finalité médicale ne peut s’inscrire désormais, à l’exclusion des cellules embryonnaires, que dans le champ des découvertes récentes concernant les cellules souches adultes, et plus récemment les cellules pluripotentes induites (iPS)“. A ce titre, il précise que “dès 1991, les travaux de Marie-Louise Labat (CNRS) et de son équipe, publiés dans des revues internationales, montraient la présence dans le sang d’une cellule capable de former différents tissus, vraisemblablement pluripotente“. En outre, toujours en France, l’équipe du Pr Luc Douay de l’hôpital Saint-Antoine, université Pierre-et-Marie-Curie) “obtient des globules rouges à partir de cellules souches de sang de cordon ou de moelle osseuse, qui offrent d’aussi riches possibilités que les cellules souches embryonnaires“. Pour le Pr Claude Huriet, cette dernière avancée “est une première mondiale qui montre que les contraintes de la loi française n’ont pas exclu de la compétition internationale tous les chercheurs français!“.  

Enfin, l’ancien membre du CCNE souligne une dernière grande avancée scientifique qui démontre que la proposition de loi autorisant la recherche embryonnaire est “déconnectée” de la réalité. Cette avancée est celle des “travaux des professeurs Yamanaka et Gordon, entrepris en 2006 [et] couronnés par le prix Nobel le 8 octobre 2012” (Cf Synthèse de presse Gènéthique du 8 octobre 2012). Pour le Pr Huriet, “la reprogrammation de cellules sanguines ou cutannée en cellules semblables à des cellules souches embryonnaires donne à ces dernières ‘un coup de vieux’ “. Si cette possibilité de reprogrammer les cellules adultes “est longtemps apparue utopique” […] “elle est maintenant une réalité qui fait d’ores et déjà l’objet de protocoles d’essais cliniques… et de nombreuses publications“. 

 Le Monde (Claude Huriet) 13/03/2013

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