« Aujourd’hui, on est dans un contexte dont on a le sentiment qu’il est souvent proche de la barbarie ». Interrogé au sujet de la publication de son dernier livre La lutte, la révolte et l’espérance[1], Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à la faculté de médecine Sud Saclay, directeur de l’espace de réflexion éthique de la région IDF, interroge : « Dans les débats sur la bioéthique, quelle humanité sommes-nous ? Quel type de résistance mettre en place alors qu’on a le sentiment d’être dépossédé de toute capacité d’intervenir sur le réel ? » Plus loin, il note : « Dès lors qu’on a une position éthique aujourd’hui, on est dans une position de résistance, de dénonciation de ce qui nous parait inacceptable ».
Interrogé au sujet des débats autour de la révision de la loi de bioéthique à l’Assemblée nationale, il regrette que « tout un pan de questions » n’ait pas été « honoré » alors qu’il était « quasiment plus urgentes que l’AMP » : neurosciences, manipulations sur le vivant, questions autour des algorithmes, de l’IA appliquée non seulement aux questions de santé mais à celles des données… Il note qu’il y a quelque chose de « très séduisant à faire de la bioéthique à la française » quand par ailleurs « faute de prendre en considération les urgences et ce qu’elles signifient de notre devenir, on obère le devenir d’une société, le souci du bien commun, le vivre ensemble… ».
Au sujet de la fin de vie, le professeur d’éthique constate que « confronté à la finitude, à la fin de vie, si les gens sont dans la solitude, l’indifférence, s’ils n’ont plus comme interlocuteurs que des personnels de santé ou médicosocial, que la société s’est désinvestie de toute responsabilité et que le débat c’est comment organiser une loi sur l’euthanasie, on voit à quel point il y a quelque chose de blessant pour nos valeurs d’humanité ». Il ajoute : « Le plus précieux dans la fin de vie, c’est pas la fin, c’est la vie » et il demande : « Comment être davantage respectueux de cette vie quand on la sait limitée ? ». Pour les proches, « comment rester aimant, présent et ne pas laisser envahir par la maladie ? ». Prenant appui sur son expérience, il affirme que « dans ces circonstances, quand le superflu n’est plus indispensable, on se dit l’essentiel ». Pour lui l’éthique est « cette capacité d’être attentif à ce qui nous enrichit, ce qui nous amplifie, bref, nous humanise ».
RCF, Stéphanie Gallet (07/11/2019)