Points de vue sur la procréation post-mortem

Publié le 30 Avr, 2010

Le site internet Pause Santé.fr a publié les points de vue de la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval et du philosophe Emmanuel Hirsch au sujet de la procréation post-mortem. Pour Geneviève Delaisi de Parseval, il convient de s’interroger sur une éventuelle remise en question de la loi à ce sujet. Elle distingue deux situations : dans l’une, la demande d’AMP d’une femme dont le mari est décédé porte sur les gamètes de son mari. Dans la seconde situation, la demande de la veuve concerne des embryons déjà formés, qui sont en attente de transfert dans le cadre d’une procédure AMP commencée avec son mari, avant qu’il ne décède. Dans ce cas, la loi actuelle propose 3 possibilités à la femme : l’accueil de l’embryon par un autre couple, l’abandonner à la recherche, ou demander sa destruction. Le transfert d’embryon post-mortem n’est pas autorisé en France. Si la majorité des législateurs s’accordent sur l’interdiction de restituer les gamètes du défunt, certains sont plus souples concernant le transfert d’embryons. A ce sujet, les réflexions conduisent souvent à opposer le désir d’enfant et l’intérêt de l’enfant. Geneviève Delaisi de Parseval estime que la psychanalyse se trouve interpellée par ce type de questions. Il existe, dit-elle, "une différence fondamentale entre la demande d’insémination post-mortem d’une veuve dont le seul sperme du mari a été congelé et une demande de transfert d’embryons". La paillette de sperme congelé, dans le premier cas, apparaît comme "une sorte de métonymie (ici, la relique du défunt), la trace d’un regret, d’une douleur. Faut-il entretenir cette blessure en prenant le risque de manipuler la mémoire du mort, qui n’était pas présent au moment de la fécondation ? Je ne le pense pas". Mais quand un embryon a été conçu, il s’agit d’un tout autre deuil estime la psychanalyste : "c’est du deuil d’une personne potentielle, preuve concrète de l’amour du couple qu’il s’agit. D’un enfant possible, mais cependant bien réel dans sa potentialité de naître. Non d’un projet d’enfant". Geneviève Delaisi de Parseval estime ainsi que "pour éviter la dénégation de cet enfant possible qui ne serait jamais né, le transfert post-mortem, bien accompagné, d’un enfant conçu par un couple dans le cadre d’un projet parental conforme à notre représentation de la parenté, me semble une solution humaine et bien pensée".

Concernant la question de l’insémination post-mortem, Emmanuel Hirsch pointe aussi le caractère dérangeant de la relation qu’elle établit entre un projet de vie et la réalité de la mort. Il estime que "la prudence et la retenue s’imposent, là où nos conceptions de la dignité humaine, de la responsabilité, mais également nos libertés peuvent être dévoyées faute d’une exigence de réflexion". Il rappelle que l’exercice professionnel, dans le cadre de l’AMP, requiert des "procédures collégiales fondées sur des valeurs intangibles et des compétences qui ne se limitent pas aux seules capacités techniques", et que les décisions à prendre "ont des conséquences humaines et sociales qui concernent certes un couple, mais plus encore l’enfant à naître et son devenir". Les parents demandeurs d’une AMP doivent avoir conscience des règles prescrites dans cette relation médicale si particulière, donc des conditions précises de restitution des gamètes. Selon lui, la requête d’une insémination post-mortem "ne procède pas de l’exigence d’honorer la volonté du défunt comme s’il s’agissait d’un devoir auquel le conjoint serait tenu" et "aucune justification ne saurait légitimer l’intervention médicale". Enfin, Emmanuel Hirsch s’interroge sur un aspect peu évoqué dans le débat sur l’insémination post-mortem : "la fidélité morale de l’épouse, son exigence de mémoire doivent-elles l’enfermer dans l’exigence d’une procréation solitaire, médicalement assistée, qui défierait la mort ? Plutôt que de prendre l’habit du survivant, reconnaître la perte de l’être cher et en assumer le deuil permet de renouer avec la vie. Il faut pouvoir s’autoriser cette liberté de vivre à nouveau".

Pause Santé.fr (Geneviève Delaisi de Parseval, Emmanuel Hirsch) 06/04/10

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