PMA, vers des schémas de filiation invraisemblables ?

Publié le 29 Juin, 2017

D’après Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, l’avis rendu par le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) le 27 juin en faveur d’une ouverture de la PMA aux femmes homosexuelles et célibataires (cf. Avis favorable du CCNE sur la “PMA pour toutes”), « permet d’envisager une évolution de la législation ». Un écho aux déclarations du candidat Macron en avril 2017, qui se disait « favorable » à une loi ouvrant la PMA « aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires ». Afin que le débat soit « le plus court possible » pour éviter « de crisper la société », Marlène Shiappa a évoqué la possibilité de passer par la révision de la loi bioéthique en 2018.

 

La majorité des membres du Comité ne présente aucune opposition à autoriser l’AMP pour satisfaire un désir d’enfant et non plus uniquement pour pallier une stérilité médicalement constatée. A l’inverse le rapport sur  ‘le droit « à l’enfant » et la filiation en France et dans le monde’ demandé par la Mission droit et justice du ministère de la justice, met en garde « contre une destruction progressive de la filiation en France » (cf. Ouvrir la PMA aux femmes conduirait à une “destruction de la filiation”). D’après Clotilde Brunetti-Pons, responsable de scientifique du rapport, il est possible d’envisager deux solutions.

 

Tout d’abord, la loi peut instituer une famille monoparentale en établissant la seule femme inséminée comme mère.  « Le cas des demandes formées par deux femmes se trouverait alors traité comme celui des célibataires. La loi instituerait une famille monoparentale, sauf dans l’hypothèse d’une adoption corrélative de l’enfant de la conjointe, le cas échéant ». L’absence de père est « préjudiciable au développement et la construction de l’enfant, comme l’atteste de nombreuses études », et, dans ce cadre, celui-ci n’aurait qu’un recours limité pour une action en recherche de paternité compte tenu du principe d’anonymat du donneur.

 

La loi peut, en deuxième solution, reconnaître les deux femmes comme mères de l’enfant, dans la continuité de la loi Taubira. « A l’absence de père serait en ce cas imposée à l’enfant une deuxième ascendance maternelle brouillant ses origines, donc sa construction filiative. Cela supposerait juridiquement de remanier en profondeur le droit de la filiation ». Elle supposerait « de supprimer les père et mère du Code civil » et « fermerait toute action en recherche de paternité à l’enfant, ou alors la loi déciderait que l’enfant peut avoir deux mères et un père, par exemple s’il obtenait suffisamment d’informations sur l’identité du donneur de sperme ». L’enfant risquerait, de surcroît, de se trouver face à des schémas filiatifs invraisemblables.

 

Laetitia Pouliquen, fondatrice de Womanattitude et auteur de Femme 2.0, replace pour sa part l’avis du CCNE dans le contexte européen, deux affaires ayant été récemment portées devant la Cour européenne des droits de l’homme : deux femmes françaises mariées ont demandé à la CEDH l’accès à l’insémination artificielle avec sperme anonyme, malgré l’interdiction de la législation française. Elles espèrent que la décision de la CEDH pourra contraindre la France à accéder à leur désir. L’autre affaire récente concerne deux femmes allemandes réclamant « la reconnaissance de leur statut légal de mère ». L’une a donné ses ovocytes pour la fécondation in vitro, et l’autre, reconnue par la législation allemande comme la seule mère de l’enfant, a donné naissance à l’enfant issu de FIV. Laetitia Pouliquen souligne cependant qu’en la matière, « le Traité de Lisbonne n’accordant pas de compétence en matière de famille et de santé à l’Union Européenne, c’est donc bien au législateur français qu’il revient de décider, en conscience et sans hypocrisie, du futur de nos enfants et de notre société ».

La Croix (28/06/2017) ; Le Figaro, Clotilde Brunetti-Pons (29/06/2017) ; Le Figaro, Laetitia Pouliquen (28/06/2017) 

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