« PMA pour toutes » : une impasse pour la filiation de l’enfant

Publié le 12 Juin, 2019

Reçue hier par la ministre de la justice Nicole Belloubet, l’association Juristes pour l’enfance était invitée à « apporter une expertise juridique » « sur la question de la filiation de l’enfant » dans le cas où l’extension de la PMA serait retenue.

 

Tout d’abord, la « PMA pour toutes » ne relevant pas de la loi de bioéthique, l’association a expliqué qu’il serait nécessaire de penser un projet de loi spécial sur la filiation : « l’insémination de femmes fertiles par des donneurs fertiles n’engage aujourd’hui aucune innovation médicale ni même la médecine tout court ».

 

Rappelant que la « PMA pour toutes » entraîne « l’effacement légal du père et de la lignée paternelle », elle contrevient, de ce fait, « aux engagements internationaux de la France envers les enfants ». Envisageant l’hypothèse où le législateur persisterait dans ce projet, l’association a énuméré les « différentes possibilités d’établir un lien juridique entre l’enfant et la deuxième femme » :

  • Une « présomption » de « co-maternité » : à écarter, car la présomption par principe « renvoie à une situation vraisemblable au vu des circonstances mais qui peut être contrée si la réalité est autre » ;
  • Une « déclaration d’intention d’être parents », également écartée, car l’ « intention d’être parent » ne peut conférer de « droits sur un enfant ». Ainsi, la loi prévoit, dans le cas d’une paternité d’intention, que l’enfant peut « agir en contestation de cette paternité » qui « ne repose pas sur la biologie ». Si l’on instaurait une maternité d’intention, l’intention d’être mère « s’imposerait à l’enfant de façon unilatérale », sans que celui-ci ne puisse « acquiescer » ou « refuser » cette intention de la tierce personne d’être son parent. L’association avertit aussi sur le fait qu’une consécration « générale » de parenté d’intention rendrait obsolètes les « actions fondées sur la biologie », comme l’action en recherche ou en contestation de paternité.
  • L’adoption, semble pour l’association la solution « la moins délétère » bien qu’ « insatisfaisante » en ce qu’elle « existe déjà » et « n’a pas vocation à bouleverser le droit commun de la filiation ». L’adoption est une « mesure réparatrice », qui serait « dévoyée » si que l’enfant est « délibérément privé de lignée paternelle pour être rendu adoptable ».

 

Enfin, l’association a souligné que le droit « offre déjà  tous les outils juridiques pour organiser la situation des enfants élevés par deux femmes » : délégation tacite de l’autorité parentale pour les actes usuels, délégation partage judiciaire pour les actes importants si la situation l’exige, désignation d’un tuteur par le parent dernier vivant en cas de décès etc. Elle estime injuste de priver « l’enfant de toute possibilité juridique d’établir sa filiation paternelle », ce qui constituerait un retour à la situation, au XIXe siècle, des enfants « nés hors mariage », qui « n’avaient pas d’action en recherche de paternité contre leur géniteur. (…) Est-ce un progrès que de réintroduire en droit français des enfants interdits par la loi de faire établir leur filiation paternelle ? ».

Juriste pour l’enfance (7/06/2019) – Il n’existe pas de bonne solution pour une double maternité post PMA, que des bricolages contraires aux droits des enfants

 

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