Depuis la loi de bioéthique du 2 août 2021, la PMA est accessible à toutes les femmes, qu’elles soient en couple avec un homme, une autre femme, ou bien qu’elles soient célibataires [1]. Dans ces deux derniers cas de figure, elle aura nécessairement recours au sperme d’un donneur anonyme.
Dans le cas d’une femme qui prévoit l’implantation d’un embryon conçu avec le sperme de son conjoint dans le cadre d’un « projet parental de couple », que se passe-t-il si cet homme décède au cours de la procédure ? Il ne peut plus renouveler son consentement. C’est cette situation délicate qu’a dû affronter une patiente du CHU de Caen, qui a demandé à poursuivre son projet de maternité en dépit du décès de l’homme qui aurait été le père de son enfant (cf. PMA, GPA post-mortem : naître orphelin). Après deux requêtes rejetées par le tribunal administratif puis un autre rejet du Conseil d’État, (cf. « PMA post-mortem : le Conseil d’État valide l’interdiction française ») elle vient de soulever une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
La PMA « désormais destinée à répondre à un projet parental »
La requérante « soutient que les dispositions du 1° du quatrième alinéa de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, applicables au litige, méconnaissent les articles 2 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 [2] et le dixième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 »[3]
Dans sa décision rendue le 25 février [4], la 1e Chambre du Conseil d’Etat statue que : « Si, avant l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2021, l’assistance médicale à la procréation avait pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité, (…) elle est désormais destinée à répondre à un projet parental ; lorsque ce projet parental est celui d’un couple, les deux membres du couple doivent consentir préalablement à l’insémination artificielle ou au transfert des embryons. »
Ainsi, le Conseil considère que « la situation d’une femme, membre d’un couple ayant conçu en commun un projet parental, dont la poursuite est subordonnée au maintien de ce projet, du consentement des deux membres du couple et de leurs liens de couple, interrompu par le décès du conjoint, destiné à devenir parent de l’enfant, est différente de celle d’une femme non mariée qui a conçu seule, dès l’origine, un projet parental à l’issue duquel l’enfant n’aura qu’une filiation maternelle ». Dès lors, « il ne peut en tout état de cause être regardé comme ayant, ce faisant, dans l’exercice de sa compétence, méconnu le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ou le droit à une vie familiale normale garanti par le dixième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. »
Considérant que « la question de constitutionnalité soulevée (…) ne présente pas un caractère sérieux », le Conseil d’Etat conclut qu’« il n’y a, par suite, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ».
[1] Loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, https://www.vie-publique.fr/loi/268659-loi-2-aout-2021-bioethique-pma
[2] L’article 2 dispose que : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. ». L’article 6 dispose quant à lui que : « La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».
[3] Le dixième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » et garantit le droit de mener une vie familiale normale.
[4] Conseil d’État, décision n°499498 du 25 février 2025 https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2025-02-25/499498